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C'est bien le diable si je ne trouve pas dans ce village un bistrot où je pourrai casser la croûte. Jules Romains
 
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 Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré

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Kiki
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MessageSujet: Lettre de Gérard Depardieu à Maurice Pialat   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 18 Juil 2016, 10:48

Lettre de Gérard Depardieu à Maurice Pialat



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A117



Je ne me suis jamais senti aussi féminin que devant toi.


Gérard Depardieu, acteur mythique du Cinéma français, a toujours su interpréter avec justesse les personnages qu’il incarnait, et ce de ses débuts jusqu’à aujourd’hui. 


Comment oublier son exploit dans Cyrano de Bergerac ? 


le duo qu’il formait aux côtés d’Isabelle Adjani dans Camille Claudel ? le lien qui l’unissait à Patrick Dewaere dans Les Valseuses ? ou encore son authenticité dans le film de Gustave Kervern et Benît Delépine, Mammuth ? Gérard Depardieu, c’est également un homme haut en couleurs, jamais le dernier à  » déconner  » sur les plateaux comme dans la vie. Cette énergie débordante, quasi électrique, qu’il contient en lui a souvent fait des étincelles, comme en a témoigné sa relation avec Maurice Pialat.


 Dans cette lettre qu’il adresse au réalisateur de Police, le comédien revient sur leur relation. Entre amour platonique et amour passionnel il n’y a qu’un pas et il semble que ces deux là l’aient franchi, main dans la main.

[Sans date]

Entre toi et moi, c’est à la vie, à la mort. Nous sommes comme deux chefs de bande obligés de partager le même terrain vague. Nous vivons dans un état de paix fragile.

Il y a eu des guerres, il y en aura d’autres. Tu sais très bien qu’on ne peut pas s’en passer, que c’est plus fort que nous. Tu es un taureau, un vrai taureau de combat. Quand on se rencontre, on entend parfois le bruit des cornes. Tu peux rire…

Je ne sais lequel d’entre nous souffre le plus de nos séparations. Je ne sais pas qui est le plus jaloux. Et dire que la jalousie, je ne connaissais pas, je ne croyais jamais connaître. Et la nôtre, elle est carabinée, incurable, intenable. C’est une jalousie de ventre à ventre, une putain de jalousie qui ne vous lâche pas, une vraie rage de dent. C’est peut-être bien toi, après toi, qui as eu mal le premier. Cela doit être toi qui as commencé, si je puis dire.


On s’était donné rendez-vous au « Deauville », sur les Champs-Élysées. Tu étais venu discrètement me voir jouer au théâtre. Tu voulais me proposer quelque chose. Tu avais déjà une sacrée réputation. Coléreux, impossible, certains disaient même que tu étais carrément fou. Je te le dis ! Les réputations, moi, cela me connaissait. À Châteauroux, je me trimbalais dans les rues avec, je me prenais les pieds dedans. On ressemble rarement à sa réputation. J’ai toujours eu beaucoup de mal à coller avec ce que l’on disait sur moi !


Tout de suite, on a eu l’air de se plaire. On se parlait facilement comme si l’on avait déjà l’habitude l’un de l’autre. Je n’ai pas eu besoin de composer avec toi, de jouer au mec qui connaît bien son job : « Bon, ouais, qu’est-ce qu’il y a à faire ? Ça ? O.K., c’est bon, je peux le faire, c’est sans problème. On commence quand ? Il y aura beaucoup d’extérieurs … » De ton côté, tu ne cherchais pas à me « vendre » le film du siècle, à me faire miroiter le rôle d’une vie. Tu avais déjà le goût de l’autodépréciation. Plus tu parlais, moins tu le sentais ton film. À la fin, il t’échappait complètement. « Finalement c’est pas ça, c’est pas bon, c’est ce que je croyais… »

Il s’agissait de La Gueule ouverte, un chef-d’œuvre en passant. Et puis, il y a eu un problème de date Bertrand Blier m’a pris pour Les Valseuses. Il était venu un peu avant toi. Nous n’avons pas pu travailler ensemble. Philippe Léotard m’a remplacé. Le tournage deLoulou, avec ce faux départ, était déjà commencé, avant même qu’il existe dans ton esprit.


Ce tournage bon sang ! Tu me l’as fait payer ma trahison. Je connaissais les coups de boule et les coups de latte, les poings américains et les chaînes de vélo, cela ne m’a pas empêché d’en prendre plein la gueule ! Tu avais l’art de toucher là où ça fait mal, d’inciser les névroses à vif, d’éclairer d’une lumière crue les faiblesses les plus soigneusement cachées. Chapeau ! Alors évidemment, hé me suis défendu comme j’ai pu.

À la sortie. C’est un peu ça, je t’ai attendu à la sortie. À la sortie de Loulou. J’ai craché ma douleur, ma révolte à la presse. Je ne regrette rien. Ce n’était pas une mauvaise violence. Il fallait que je frappe moi aussi. Mais tu avais bien eu raison de m’envoyer valser dans les cordes. J’étais à l’époque un acteur un peu connard.

Cela n’arrangeait rien. J’avais vingt-sept-vingt-huit ans, je vivais en roue libre, sur la lancée des Valseuses. Je ne me prenais pas pour de la merde. Figure-toi que j’ai attendu deux ans avant de voir Loulou. À la projection, j’ai tout compris. Toi aussi sans doute. On aurait bien du mal à se passer l’un de l’autre.


Police fut plus qu’une simple et banales réconciliations. Nous avons connu un véritable état de grâce, des nuits de noces. C’est à ce moment-là que j’ai ressenti ma jalousie. Elle venait par vagues, par bouffées. Je me disais : « Merde, Qu’est-ce qui m’arrive ? » J’étais exactement comme une jeune femme. Je ne me suis jamais senti aussi féminin que devant toi. J’étais jaloux de tout, de Sandrine Bonnaire, de ta liberté sur le plateau, de ce que tu osais faire avec une caméra, du temps que tu prenais. J’étais malheureux de ne pouvoir partager ton secret, ta part maudite. J’aurais voulu être artiste à deux.


Quand je tourne avec un autre metteur en scène, quand nous sommes loin l’un de l’autre, entre deux prises, si je tends l’oreille, je peux entendre ta douleur. Tu n’es pas quelqu’un qu’on peut rassurer avec un coup de fil, quelques formules de politesse, un « j’t »embrasse » ou un « on se voit à Paris dès mon retour ». Tu ne peux jamais dire quelque chose d’anecdotique, d’inutile. Entre nous, il n’y a jamais de déclaration d’amitié, d’échange effréné de compliments. Le compliment, c’est une chose encore trop civilisée. On n’a pas de vapeurs. Nous avons des grognements pour nous comprendre, pour nous rassurer.


Sur un plateau, tes colères sont respectées. Elles n’ont rien de chimique, tu n’es pas Clouzot semant la terreur parmi les comédiens. Tu piques une crise quand une scène résiste, lorsque tu butes sur un détail. En analyse aussi, on passe son temps à buter sur des détails apparemment anodins, mais qui au bout de la troisième séance se révèlent essentiels, décisifs pour la suite du « voyage ».


En dehors du cinéma, au-delà des belles sensations que nous avons éprouvées ensemble avec le succès de Police et l’aventure du Soleil de Satan, il y a nos plages de silence, la vie comme elle vient, cette haie de pommiers qu’on s’était promis de tailler ensemble. Au moment de retrousser les manches, on s’est rendu compte qu’elle mesurait facilement deux cents mètres. On ne s’est pas dégonflés, on y a mis le temps, mais on a tenu bon, jusqu’au bout. Eh bien, des haies de pommiers, mon Maurice, on n’a pas fini d’en tailler ensemble. Tu peux déjà cracher dans tes mains en attendant !

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A236
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MessageSujet: Lettre de Céline à François Mauriac   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 18 Juil 2016, 11:32

Lettre de Céline à François Mauriac


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A118




Je suis écrasé par la vie, je veux qu’on le sache avant d’en crever








Le 27 mai 1894 naissait Louis-Ferdinand Céline, l’écrivain le plus polémique de la littérature française du XXème siècle. Dans cette lettre qu’il adresse à François Mauriac, l’auteur n’a alors pas quarante ans et n’a publié que Voyage au bout de la nuit quelques mois avant. Une lettre finement ciselée, révélatrice d’un choc des cultures.





14 janvier 1933

Monsieur,
Vous venez de si loin pour me tendre la main qu’il faudrait être bien sauvage pour ne pas être ému par votre lettre. Que je vous exprime d’abord toute ma gratitude un peu émerveillée par un tel témoignage de bienveillance et de spirituelle sympathie.

Rien cependant ne nous rapproche, rien ne peut nous rapprocher : vous appartenez à une autre espèce, vous voyez d’autres gens, vous entendez d’autres voix. Pour moi, simplet, Dieu c’est un truc pour penser mieux à soi-même et pour ne pas penser aux hommes, pour déserter en somme superbement.

Vous voyez combien je suis argileux et vulgaire !

Je suis écrasé par la vie, je veux qu’on le sache avant d’en crever, le reste je m’en fous, je n’ai que l’ambition d’une mort peu douloureuse mais bien lucide et tout le reste c’est du yoyo.
Bien sincèrement je vous prie,

Destouches Céline.


(Frédéric Vitoux, La vie de Céline, Grasset, 1988 ) - (Source image : Louis-Ferdinand Céline (1886-1958), écrivain français en 1932, année où il obtint le prix Renaudot pour son roman Le Voyage au bout de la nuit, 1932, Bibliothèque nationale de France, Agence de presse Meurisse‏, © Wikimédia Commons / François Mauriac chez lui en 1933 préparant son discours d'entrée à l'Académie française, Gallica - BNF, Agence de presse Meurisse, © Wikimédia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Tchekhov à Grigorovitch   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 18 Juil 2016, 11:34

Lettre de Tchekhov à Grigorovitch





Jamais aucun ne m’a considéré comme un artiste.



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A116




Anton Tchekhov (29 janvier 1860 – 15 juillet 1904), l’un des écrivains les plus connus de la littérature russe, notamment pour sa façon de décrire la vie dans la province russe à la fin du XIXème siècle, est l’auteur d’œuvres incontournables telles que La Steppe ou La Mouette.


 À l’âge de 26 ans, l’auteur en proie aux doutes quant à ses qualités littéraires, écrit cette lettre.




28 mars 1886


Votre lettre m’a fait l’effet d’un coup de tonnerre. (…) Mes proches parlent avec dédain de mes gribouillages qui ne devraient pas me faire abandonner mon véritable métier. J’ai à Moscou des centaines d’amis, dont plusieurs dizaines d’écrivains, mais autant que je m’en souvienne, jamais aucun ne m’a considéré comme un artiste. Il y a ici des ainsi nommés « cercles littéraires » qui réunissent des gens de talent et beaucoup de médiocres. 

Si je leur lisais quelques lignes de votre lettre, ils me riraient au nez. Depuis cinq ans que je cours les rédactions, l’attitude des autres m’a incité à regarder mes textes avec beaucoup de dédain. (…)


Pardonnez-moi cette comparaison, mais votre lettre a eu sur moi le même effet qu’un ordre du gouvernement de « quitter la ville dans les vingt-quatre heures ». Je veux dire que j’ai ressenti aussitôt le besoin absolu de quitter un chemin où je m’enlise.




Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A234


( Tchekhov par Virgil Tanase, Éditions Gallimard ) - (Source image : Anton Pavlovich Chekov par V. Chekhovskii, 1889 © Christie's Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre d’Albert Camus à Francine Faure   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 18 Juil 2016, 11:35

Lettre d’Albert Camus à Francine Faure


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A115



Je viens de terminer mon roman et je suis trop énervé pour songer à dormir.








Dans la nuit du mardi 30 avril 1940, Albert Camus (7 novembre 1913-4 janvier 1960) achève la première version de son roman mythique L’étranger.


Il écrit alors à Francine Faure, restée à Oran, qu’il épousera quelques mois plus tard, pour lui annoncer la nouvelle.




30 avril 1940


Je t’écris dans la nuit. 

Je viens de terminer mon roman et je suis trop énervé pour songer à dormir. Sans doute, mon travail n’est pas fini. J’ai des choses à reprendre, d’autres à ajouter, d’autres à réécrire. Mais le fait est que j’ai fini et que j’ai tracé la dernière phrase. […] J’ai ce manuscrit devant moi et je pense à ce qu’il m’a coûté d’effort et de volonté — combien il a fallu lui être présent, sacrifier d’autres pensées, d’autres désirs pour rester dans son climat. je ne sais pas ce qu’il vaut. À certains moments, ces temps-ci, certaines de ses phrases, son ton, ses vérités me traversaient comme des éclairs. 

Et j’en étais terriblement orgueilleux. Mais à d’autres moments, je n’y vois que des cendres et des maladresses. Je suis trop imbibé de cette histoire. Je vais mettre ces papiers dans mon tiroir et commencer à travailler mon essai. Dans quinze jours, je ressortirai tout cela et je retravaillerai mon roman. Je le ferai lire ensuite. Je ne veux pas trop m’attarder dessus parce qu’en réalité, je le porte depuis deux ans et j’ai bien vu à la façon dont je l’écrivais qu’il était déjà tout tracé en moi. 

Cela va faire deux mois que j’y travaille tous les jours et une partie de mes nuits. Chose curieuse, je sortais pour aller au journal, j’abandonnais une page à demi écrite et à mon retour, sans un effort, parfaitement lucide, je reprenais ma phrase et je continuais. Je n’ai jamais rien écrit avec cette continuité et cette facilité. Je dors mal en ce moment et j’ai des insomnies. 

Aux moments où je me réveille, il m’arrive de voir clairement toute une suite d’œuvres que j’écrirai comme celle-ci, sous la dictée, et comme si maintenant tout était clair dans mes projets et dans l’univers que je voudrais illustrer.

Ce soir, je suis crevé. Ces temps-ci je me demandais si le travail de Paris ne me fatiguait pas trop. Mais en réalité, ce roman est aussi bien responsable parce qu’il m’a demandé cet effort continu qui m’apparaissait facile et qui m’épuisait en réalité.

Le plus drôle est que je ne sais même pas si je suis content. Pourtant c’est la seule chose qui puisse me mettre au-dessus de moi et je crois que je pardonnerai tout à Paris pour m’avoir permis de vivre ainsi enfermé tout entier dans ce que je faisais. Même si cela n’a pas de valeur, la joie même du travail en a une que personne ne peut détruire et c’est celle-là que je ressentirais ce soir si je n’étais pas si fatigué. 

J’imagine cependant que le lecteur de ce manuscrit sera au moins aussi fatigué que moi et je ne sais pas si la continuelle tension qu’on y sent ne découragera pas beaucoup d’esprits. Mais la question n’est pas là. J’ai voulu cette tension et je me suis employé à la rendre. Je sais qu’elle y est. Je ne sais pas si cela est beau. Grenier m’a dit que Montherlant lui avait parlé de Noces et de moi « avec beaucoup de chaleur ». 


M. ne savait pas que Grenier me connaissait et il lui a demandé ce que je faisais. Cela m’a donné l’idée d’envoyer à Montherlant mes trois manuscrits quand ils seront finis et de lui expliquer ce que je veux. Lui seul, je crois, peut m’aider à tout publier ensemble — surtout en ce moment.


Pour le reste, rien n’est changé. On a changé mes horaires au journal. Mais j’ai à peu près le même temps de service. Mon jour de repos est le mardi (c’est pourquoi j’ai pu travailler toute la journée). J’ai de moins en moins de nouvelles de toi, de mes amis, de ma famille et je me sens de plus en plus isolé ici. Cela va bien tant que je travaille. Mais sans cela, je pense que ce serait encore plus dur.

Les soirs de printemps sont ici visqueux et pluvieux. Je pense à une phrase de mon roman : « Là-bas, là-bas aussi, le soir était comme une trêve mélancolique. » Si tu savais comme j’ai envie des soirs d’Alger ou d’Orant — et comme j’ai envie de cette trêve devant la mer. Mais il y a encore tout un été et tout un hiver ici avant de pouvoir partir quelques semaines et retrouver un ciel vert. Tout cela est bien loin et je n’arrive pas à croire que je pourrai y arriver. Peut-être est-ce pour cela que je n’ai pas sauté de joie aussitôt cette chose finie. […]


Albert Camus


Mercredi. Cette lettre est infecte et illisible. Je te l’envoie quand même. J’étais trop énervé hier pour écrire correctement.




Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A233
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MessageSujet: Lettre de Lou Salomé à Rainer Maria Rilke   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 19 Juil 2016, 12:14

Lettre de Lou Salomé à Rainer Maria Rilke


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A119


Comprends-tu maintenant mon angoisse à te voir déraper de nouveau, à voir ressurgir les symptômes ?


C’est en 1897 que le coup de foudre qui unira à jamais Lou Andreas-Salomé et Rainer Maria Rilke eut lieu. Avant la passion, une complicité sans égal, dans la vie comme dans l’Art, puis à terme, une déchirure. Dans cette lettre, la jeune femme revient sur l’instabilité du poète. Oscillant entre Docteur Jekyll et M. Hyde, ces deux extrêmes semblent difficilement surmontables pour Lou Andreas-Salomé. Elle décide alors d’ouvrir son cœur à l’aide d’une de ses plus grandes alliées : l’écriture.




26 février 1901

Dernier appel.

Maintenant que tout n’est que soleil et calme autour de moi et que le fruit de la vie a conquis sa rondeur mûre et douce, le souvenir qui nous est sûrement encore cher à tous deux de ce jour de Waltershausen où je suis venue à toi comme une mère, m’impose une dernière obligation. Laisse-moi donc te dire en mère l’obligation que j’ai contractée il y a des années envers Zemek à la suite d’un long entretien.

Si tu t’aventures libre dans l’inconnu, tu ne seras responsable que de toi-même ; en revanche, dans le cas d’un engagement, tu dois savoir pourquoi je t’ai répété inlassablement quel était l’unique chemin de la santé : Zemek redoutait un festin du type Garchine. Ce que toi et moi nommions l’« Autre » en toi — ce personnage tour à tour surexcité et déprimé, passant d’une excessive pusillanimité à d’excessifs emballements — était un compagnon qu’il redoutait pour le trop bien connaître, et parce que son déséquilibre psychique peut dégénérer en maladies de la moelle épinière ou en démence. Or, cela n’est pas inéluctable !

Dans les Chants de moine, en mainte période antérieure, l’hiver dernier, cet hiver, je t’ai connu parfaitement sain ! Comprends-tu maintenant mon angoisse et ma violence à te voir déraper de nouveau, à voir ressurgir les symptômes ? de nouveau cette paralysie de la volonté entrecoupée de sursauts nerveux qui déchiraient ton tissu organique en obéissant aveuglément à de simples suggestions, au lieu de s’immerger dans la plénitude du passé pour y être assimilés, élaborés correctement et restructurés ! de nouveau ces alternances de flottement proton et de haussements de ton, d’affirmations brutales, sous l’empire du délire et non de la vérité !

J’en vins à me sentir moi-même déformée, gauchie par le tourment, surmenée, je ne marchais plus que comme automate à tes côtés, incapable de risquer encore une vraie chaleur, toute mon énergie nerveuse épuisée. Enfin, de plus en plus souvent, je t’ai repoussé — et si je te laissais me ramener à toi, c’était à cause de ces paroles de Zemek. Je le sentais : à condition de tenir, tu guérirais !

Mais autre chose intervint — comme une espèce de culpabilité tragique envers toi : le fait que depuis Waltershaussen, en dépit de notre différence d’âge, je n’ai cessé d’avoir à grandit et grandir encore jusqu’à ce résultat que je t’ai confié avec tant de joie quand nous nous sommes quittés — oui, si étranges que paraissent ces mots : jusqu’à retrouver ma jeunesse ! car maintenant seulement je suis jeune, maintenant seulement je puis être ce que d’autres sont à 18 ans : entièrement moi-même.
C’est pourquoi ta silhouette — encore si tendrement, si précisément consistante pour moi à Walterhausen — s’est perdue progressivement à mes yeux comme un petit détail dans l’ensemble d’un paysage — pareil aux vastes paysages de la Volga, et où la petite isba visible n’était plus la tienne. J’obéissais sans le savoir au grand plan de la vie qui tenait déjà prêt pour moi, en souriant, un cadeau dépassant toute attente et toute compréhension. Je l’accueille avec une profonde humilité ; et, lucide comme une voyante, je te lance cet appel : ce même chemin, suis-le au-devant de ton Dieu obscur ! Lui, pourra ce que je ne puis plus faire pour toi, ni ne le pouvais plus de toute mon être depuis longtemps : te donner la bénédiction du soleil et de la maturité. À travers la longue, longue distance, je t’adresse cette exhortation à te retrouver, je ne puis plus rien que cela, pour te garder de l’« heure la plus difficile » dont parlait Zemek. Voilà pourquoi j’étais si émue en écrivant sur un de tes feuillets, quand nous nous sommes quittés, mes dernières paroles, ne pouvant les prononcer : c’est tout cela que je voulais te dire alors.

(R.M. Rilke, Lou Andreas-Salomé, Correspondance, Gallimard, Collection du Monde entier, 1980 et 1985, pp. 50-51. Texte établi par Ernest Pfeiffer. Traduit de l’allemand par Philippe Jaccottet) - (Source image : Lou Andreas-Salomé (before 1907), Photo by Atelier Elvira, München Scan processed by Anton (2005) © Wikimedia Commons / Rainer Maria Rilke, Unknown author, 18 September 1900 © Wikimedia Commons)

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MessageSujet: Lettre de Natalie Barney à Liane de Pougy   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 21 Juil 2016, 14:13

Lettre de Natalie Barney à Liane de Pougy

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A120




Je veux nous imaginer dans cette île enchantée d'immortelles.




Natalie Barney fut l’une des plus grandes sources d’inspiration du siècle dernier.


Sa liberté, sa personnalité et sa beauté ont ainsi permis a plus d’un, et d’une, de puiser dans sa vie, sa véritable œuvre d’art, pour écrire à leurs tours les leurs.

Ainsi, pour elle, Renée Vivien composa ses meilleurs poèmes, Romaine Brooks ses meilleurs portraits et Liane de Pougy son roman Idylle saphique. Sa plus belle réussite : avoir permis à l’histoire littéraire des femmes de revivre.


En 1889, la danseuse et courtisane Liane de Pougy tombe nez à nez avec Natalie, alors déguisée en page florentin. Sa spontanéité et sa fraicheur font qu’elle tombera littéralement sous le charme de la femme de Lettres. Leur passion ne durera qu’une année mais ne sera pas vécue à demi-mot, bien au contraire.






[Sans date]


Ah ! pouvoir toujours librement aimer celle qu’on aime ! Passer ma vie à tes pieds comme ces jours derniers ! Te protéger contre les satyres imaginaires pour être seule à te renverser sur ce lit de mousse. Nous y retournerions encore… et souvent, dis !
Nous nous retrouverons à Lesbos, et quand le jour s’éteindra, nous irons sous-bois pour perdre les chemins conduisant à ce siècle. Je veux nous imaginer dans cette île enchantée d’immortelles. Je la vois si belle. Viens, je te décrirai ces frêles couples d’amoureuses, et nous oublierons, loin des villes et des vacarmes, tout ce qui n’est pas la Morale de la Beauté.


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A214

(Jean Chalon, Natalie Barney : Portrait d'une séductrice, éd. Flammarion, Paris, 1992.) - (Source image : Natalie Barney par Frances Benjamin Powers, entre 1890 et 1910, Washington DC, Library of Congress, Prints and Photographs Division © Wikiedia Commons / Liane de Pougy, franz. Tänzerin, Aufnahme von ça. 1891/92 © Wikiedia Commons)
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MessageSujet: Lettre d’Edith Piaf à Marcel Cerdan   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeDim 24 Juil 2016, 21:28

Lettre d’Edith Piaf à Marcel Cerdan


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A121



Mercredi, je serai dans tes gants, dans ton souffle, dans tes yeux, dans ton cœur, partout.



Edith Piaf et Marcel Cerdan, la Môme et le boxeur ; leur noms accolés forment désormais un couple tragique et mythique. 
Entre Paris et New-York, les music-hall et les rings, ces deux-là s’aimèrent d’un amour tendre et puissant. Avant le tragique accident d’avion qui mit fin aux jours de Cerdan, en 1949, le duo légendaire s’adressa une multitude de lettres touchantes, dont voici un extrait.


Paris, lundi 13 juin 1949

Mon bel amour

Oh, que je voudrais que cette lettre arrive avant ton match. J’ai l’impression que mon cœur est avec. « Oh, mon Dieu, faites que cette lettre arrive à temps ! » Si tu le peux, dès que ton combat est fini, renvoie-moi mon cœur que je puisse respirer. Chéri, tu sais, tu es terrible. Comment se fait-il que je t’aime autant ? Qu’est-ce que je vais devenir avec tout cet amour qui me dépasse !

J’ai arrangé toutes mes répétitions, au cas où tu voudrais me téléphoner, je ne quitte pas la maison à partir de lundi passé quinze heures trente. Je répète le matin, comme ça, si tu veux m’appeler, je serai là, à ta disposition. Et si tu ne peux pas, c’est la même chose puisque tu as mon cœur dans tes mains. Ne l’égare pas, je n’en ai qu’un et c’est irremplaçable. Sois calme surtout et détendu, « relaxe » comme disent les Américains. Imagine-toi que Paris est en danger et qu’il te faut le défendre, c’est merveilleux comme symbole, hein ? Alors, dis-toi, je vais me battre pour Paris ! C’est beau Paris, tu sais, tu vas voir quand tu vas revenir comme il est en forme lui aussi, il est balayé de soleil et il a le parfum du printemps et puis les femmes sont belles, il n’y a qu’un Paris, un seul ! Et il n’y a que toi aussi, quelle chance j’ai ! Aussi mercredi, je vais me battre moi aussi pour toi, pour te garder toujours.

Mon gosse chéri, comme je voudrais être près de toi. Si j’avais dans ma vie le grand honneur de m’appeler Mme « Jules », je ne t’aurais pas quitté souvent, tu sais. Tu m’aurais eue toujours à tes côtés, toujours, pour préparer un bonheur fait de rose, de bleu et d’or. Mais hélas, je ne peux te donner que des bribes de ce bonheur et je le fais le mieux que je peux, avec des nuages, bien sûr, qui me viennent du mal de mon cœur, mais il faut toujours que tu le prennes comme une preuve de mon grand amour. Voilà, ma lettre va partir vers toi mais j’ai peur que l’avion qui va l’emmener ne soit pas assez fort, car cette lettre est chargée de tout mon amour et j’ai peur qu’elle ne soit trop lourde. Mercredi, je serai dans tes gants, dans ton souffle, dans tes yeux, dans ton cœur, partout, et j’essaierai de mordre LaMotta aux fesses, ce salaud, qu’il ne te touche pas ou il aura affaire à moi.

Au revoir mon petit, mon gosse, ma vie, mon amour, mon cœur, mon toi.

Je t’aime mon tout petit gosse ! Moi.

Edith Piaf


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A215



(Lettres d'amour. Moi pour toi. Correspondance entre Marcel Cerdan et Edith Piaf, Cherche Midi, 2002) - (Source image : Edith Piaf par J.B. ARRIEU ALBERTINI, 1951, Collection personnelle (own collection) © Wikimedia Commons / Portrait of Marcel Cerdan, Cerdan, 12/10/1948, archives familiales © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Cavanna aux culs-bénits   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 25 Juil 2016, 06:16

Lettre de Cavanna aux culs-bénits


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Fc10



Le vingt et unième siècle sera un siècle de persécutions et de bûchers.










Ecrivain, dessinateur et journaliste trouble-fête, François Cavanna s’est éteint, mercredi 29 janvier, à l’âge de 90 ans. Il fut la figure de proue d’une génération et d’un journalisme provocateur, subversif et irrévérencieux, de Hara Kiri à Charlie Hebdo. Hommage au maître disparu: cette Lettre ouverte aux culs-bénits, publiée il y a 20 ans, n’a pas perdu une ride.




t tout, je te dois un aveu. Le titre de ce livre est un attrape-couillon. Cette « lettre ouverte » ne s’adresse pas aux culs-bénits. […]


Les culs-bénits sont imperméables, inoxydables, inexpugnables, murés une fois pour toutes dans ce qu’il est convenu d’appeler leur « foi ». Arguments ou sarcasmes, rien ne les atteint, ils ont rencontré Dieu, il l’ont touché du doigt. Amen. Jetons-les aux lions, ils aiment ça.


Ce n’est donc pas à eux, brebis bêlantes ou sombres fanatiques, que je m’adresse ici, mais bien à vous, mes chers mécréants, si dénigrés, si méprisés en cette merdeuse fin de siècle où le groin de l’imbécillité triomphante envahit tout, où la curaille universelle, quelle que soit sa couleur, quels que soient les salamalecs de son rituel, revient en force partout dans le monde. […]


Ô vous, les mécréants, les athées, les impies, les libres penseurs, vous les sceptiques sereins qu’écœure l’épaisse ragougnasse de toutes les prêtrailles, vous qui n’avez besoin ni de petit Jésus, ni de père Noël, ni d’Allah au blanc turban, ni de Yahvé au noir sourcil, ni de dalaï-lama si touchant dans son torchon jaune, ni de grotte de Lourdes, ni de messe en rock, vous qui ricanez de l’astrologie crapuleuse comme des sectes « fraternellement » esclavagistes, vous qui savez que le progrès peut exister, qu’il est dans l’usage de notre raison et nulle part ailleurs, vous, mes frères en incroyance fertile, ne soyez pas aussi discrets, aussi timides, aussi résignés!


Ne soyez pas là, bras ballants, navrés mais sans ressort, à contempler la hideuse résurrection des monstres du vieux marécage qu’on avait bien cru en train de crever de leur belle mort.


Vous qui savez que la question de l’existence d’un dieu et celle de notre raison d’être ici-bas ne sont que les reflets de notre peur de mourir, du refus de notre insignifiance, et ne peuvent susciter que des réponses illusoires, tour à tour consolatrices et terrifiantes,
Vous qui n’admettez pas que des gourous tiarés ou enturbannés imposent leurs conceptions délirantes et, dès qu’ils le peuvent, leur intransigeance tyrannique à des foules fanatisées ou résignées,
Vous qui voyez la laïcité et donc la démocratie reculer d’année en année, victimes tout autant de l’indifférence des foules que du dynamisme conquérant des culs-bénits, […]


À l’heure où fleurit l’obscurantisme né de l’insuffisance ou de la timidité de l’école publique, empêtrée dans une conception trop timorée de la laïcité,
Sachons au moins nous reconnaître entre nous, ne nous laissons pas submerger, écrivons, « causons dans le poste », éduquons nos gosses, saisissons toutes les occasions de sauver de la bêtise et du conformisme ceux qui peuvent être sauvés! […]


Simplement, en cette veille d’un siècle que les ressasseurs de mots d’auteur pour salons et vernissages se plaisent à prédire « mystique », je m’adresse à vous, incroyants, et surtout à vous, enfants d’incroyants élevés à l’écart de ces mômeries et qui ne soupçonnez pas ce que peuvent être le frisson religieux, la tentation de la réponse automatique à tout, le délicieux abandon du doute inconfortable pour la certitude assénée, et, par-dessus tout, le rassurant conformisme.


Dieu est à la mode. Raison de plus pour le laisser aux abrutis qui la suivent. […]
Un climat d’intolérance, de fanatisme, de dictature théocratique s’installe et fait tache d’huile. L’intégrisme musulman a donné le « la », mais d’autres extrémismes religieux piaffent et brûlent de suivre son exemple. Demain, catholiques, orthodoxes et autres variétés chrétiennes instaureront la terreur pieuse partout où ils dominent. Les Juifs en feront autant en Israël.


Il suffit pour cela que des groupes ultra-nationalistes, et donc s’appuyant sur les ultra-croyants, accèdent au pouvoir. Ce qui n’est nullement improbable, étant donné l’état de déliquescence accélérée des démocraties. Le vingt et unième siècle sera un siècle de persécutions et de bûchers. […]





(François Cavanna, Lettre ouverte aux culs-bénits, Albin Michel, 1994.)
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MessageSujet: Lettre de Virginia Woolf à Vita Sackville-West   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 25 Juil 2016, 07:14

Lettre de Virginia Woolf à Vita Sackville-West



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A122



Moi, je dis, la journée entière à aimer.


Vita Sackville-West (9 mars 1892 – 2 juin 1962) et Virginia Woolf (25 janvier 1882 – 28 mars 1941), toutes deux écrivaines, se rencontrèrent en 1923, lors d’un dîner chez un ami commun, Clive Bell.

Très vite, leur amitié se transforma en liaison amoureuse. Vita, dont l’époux était un diplomate anglais, était souvent affectée à de longs périples hors des îles britanniques. Ces voyages étaient prétextes à des lettres d’amour magnifiques, viscérales, présentant l’autre comme un essentiel vital.



18 février 1927

Mon tendre Trésor,

…Oui, tu me manques de plus en plus. Je sais que ça te fera plaisir de me savoir malheureuse. Eh bien, tu peux…
Nous sommes encore, tu seras étonnée de l’apprendre, en train de discuter de l’amour et de la sodomie… Et c’est alors que Morgan [E. M. Forster] déclare qu’il y a bien réfléchi et que l’on passe 3 heures à manger, 6 à dormir, 4 à travailler, 2 à aimer. Lytton, lui, dit 10 à aimer. Moi, je dis, la journée entière à aimer. Je dis que cela fait voir les choses à travers un halo romantique. Mais, me disent-ils, vous n’avez jamais été amoureuse.


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A123
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MessageSujet: Lettre de Paul Eluard à son père   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 25 Juil 2016, 20:42

Lettre de Paul Eluard à son père



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A1136




Voilà ce que j'avais pensé : un mariage sans cérémonie, sans invités, sans aucun luxe.











Paul Eluard (14 décembre 1895 – 18 novembre 1952), poète proche du mouvement dada puis pilier du surréalisme, découvre l’amour à l’aube de sa majorité lorsqu’il rencontre Gala, sa future épouse et mère de leur fille, Cécile. Dans cette lettre tout en simplicité, Eluard explique à son père, à l’aube de leur mariage, sa vision du mariage parfait.




Samedi 13 janvier 1916


Mon cher père,

[…]  Tu ne peux croire comme je suis heureux que tu assistes à mon mariage.

Maintenant, ta volonté, pour les détails de la cérémonie, sera la mienne.

Voici ce que j’avais pensé : un mariage sans cérémonie, sans invités, sans aucun luxe, les circonstances étant complètement anormales et de plus, d’aucuns, qui me sont chers, n’y pouvant assister. Les souffrances et les soucis de ceux-là devraient empêcher la sérénité d’âme et la bêtise compatissante mais confiante de ceux qui ne voient pas la guerre. Certains ont le droit de dire : « Mon âme est malade et perdue pour la plus grande partie de ma vie précieuse. » D’autres devraient dire : « Nous sommes coupables de la guerre ». Mais ceux-là ont le masque, dissimulent et se rejettent mutuellement la faute.

Les uns sont responsables de la vie. Nous en sommes. Les autres sont responsables de la mort et devraient être nos seuls ennemis.

Gala va être baptisée. Maman opine pour que nous invitions tout le monde et pour que Gala se marie en blanc. Ce sont des frais, dont je me dégage et que je ne peux désirer, considérables.

Cet argent nous serait peut-être plus utile pour une chambre confortable où passer nos 4 jours.

Ici, pas même de la paille. J’en ai acheté. Mais je n’ai pas de paillasse. Donc, litière.

Nos chefs font de l’esprit… déplorable d’ailleurs. L’un m’a dit que j’avais de la chance d’être vivant. Et vous, ai-je pensé.

Grand-mère sera très heureuse de t’avoir longtemps. Pour 20 jours, notre vie sera réorganisée. Grand-mère est très faible, très douce, un peu absente de tout.
Ecris-moi longuement. Ne regrette pas ton consentement. Nous aurons la réponse du père de Gala.
Si la guerre finissait bientôt, nous pourrions encore être si heureux, tous ensemble.

Gala vous aime beaucoup. Et je prends une femme dont les vertus de simplicité, de pureté, de douceur et d’amour ne sont pas à exposer devant toi qui les connais.

Et je l’aime infiniment.

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A238



( Paul Eluard, Lettres de jeunesse, Seghers- Poésie d'abord ) - (Source image : Paul-Eugène Grindel (Paul Éluard) vers 1911. Photographe inconnu, Publié (sans indication d'origine) dans Paul Éluard, lettres de jeunesse, éditions Seghers - Poésie d'abord, 1962, © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Freud à Jung   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 26 Juil 2016, 14:22

Lettre de Freud à Jung


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A216


Je vous propose donc que nous rompions tout à fait nos relations privées.


A l’aube du XXème siècle, naît l’une des grandes révolutions humaines, avant l’émergence des neuro-sciences, qui allait en accompagner le développement : l’invention de la psychanalyse, par Sigmund Freud.


Très vite, elle devient une aventure collective et Freud recrute de jeunes médecins prêts à bouleverser leur époque pour prêcher le nouvel évangile, s’adonner à l’étude de l’inconscient sous sa coupe. Freud voit en Jung, son cadet de 21 ans, son héritier, son fils spirituel destiné à reprendre et perpétuer le flambeau du père de la psychanalyse. Mais le fils prodigue dérape, se révolte contre le père et à la tentative rationnelle et l’œuvre scientifique de Freud, il oppose avec témérité la psycho-synthèse et la psychologie des profondeurs, largement spiritualistes et mystique.


L’affrontement inévitable sera un véritable roman familial, s’achevant dans une rupture irréconciliable entre le patriarche juif exilé à Londres pendant que Jung s’embourbe avec les Nazis.



3 janvier 1913


Je vous propose donc que nous rompions tout à fait nos relations privées. Je n’y perds rien, car dans mon âme je ne suis plus lié à vous que par le fil ténu de l’effet prolongé de déceptions antérieures, et vous ne pouvez qu’y gagner, puisque vous avez récemment déclaré à Munich qu’une relation intime avec un homme agissait de façon inhibitrice sur votre activité scientifique. Prenez donc votre pleine liberté et épargnez-moi les prétendus « services d’amitié ». Nous sommes d’accord sur ce point, que l’homme doit subordonner dans son domaine ses sentiments personnels aux intérêts généraux. 


Vous n’aurez donc jamais de raison de vous plaindre d’un manque de correction chez moi là où il s’agit de communauté de travail et de la poursuite de buts scientifiques ; je peux le dire, aussi peu de raison désormais que jusqu’à présent. D’autre part j’attends la même chose de vous.


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A239



(Correspondance Sigmund Freud et Carl Jung, Correspondance 1906 - 1914, Editions Gallimard, NRF) - (Source image : Sigmund Freud par Max Halberstadt, 1922, © Wikimedia Commons / Carl Jung, © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de René Crevel à Gertrude Stein   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 28 Juil 2016, 12:39

Lettre de René Crevel à Gertrude Stein



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A124


Je suis de nouveau romantiquement fatigué.








René Crevel (10 août 1900 – 18 juin 1935), poète français dadaïste puis surréaliste avait une personnalité haute en couleurs et une éloquence impressionnante dont il se servait pour hypnotiser et endormir ses amis surréalistes. 


Eternel mélancolique à la plume fine, il dresse dans cette lettre les débuts d’une maladie terrible qui aura raison de lui.







C’est le paradis sur moi, cette cravate d’un bleu si merveilleux. Je vous remercie beaucoup. Et merci à Miss Stein. 

J’ai été si heureux et fier de son aimable lettre.

Je mène une vie très calme. Je suis de nouveau romantiquement fatigué, et l’esprit blues, — fatigué et blues avec une cravate bleue, n’est-ce pas là la plus romantique des attitudes ? Philip Lasell qui est ici veut me prendre en juin et mettre votre serviteur en plein milieu du Colorado où je pourrais connaître une nouvelle vie et oublier ces méchants poumons et la maladie. 

Comme la vie d’un homme malade peut être curieuse ! Je voudrais écrire quelque chose là-dessus, d’ailleurs je vais le faire. Un malade est un nuage pour ses amis. Je ne suis pas triste mais un nuage n’est pas drôle même si chacun en attend beaucoup. Les médecins disent qu’au printemps (au printemps prochain) je devrais être en forme. Ils le disent mais… La vie est la vie tout comme une rose est une rose. 

Mais je suis parfois triste parce que je songe que je pourrais pas cueillir les roses. J’ai peur. Un nuage a peur du ciel. Or un malade est un nuage. 

Mais une cravate bleue est un morceau de paradis qui délivre de ses obsessions un pauvre homme, un pauvre malade.


Ne m’oubliez pas. Et pour vous et Miss Stein, toutes mes pensées,


René.

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A241
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MessageSujet: Lettre de Vincent Van Gogh à son frère Théo   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 02 Aoû 2016, 07:52

Lettre de Vincent Van Gogh à son frère Théo



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A1157


Dans un tableau, je voudrais dire quelque chose de consolant comme une musique.












Exalté par le bouillonnement artistique de la capitale française, le peintre Van Gogh renouvelle sa conception de la peinture au contact des artistes révolutionnaires qu’il est amené à côtoyer : Toulouse-Lautrec, Seurat, Pissarro ou encore Gauguin. Lors de son séjour chez son frère rue Lepic, il parvient à revitaliser sa peinture et livre notamment une superbe série représentant les toits de Paris. Cette lettre, adressée à son frère, permet de découvrir le peintre exalté par la vie parisienne, et se livrant sur sa peinture alors en plein renouvellement.





3 septembre 1888


Je puis bien, dans la vie et dans la peinture, me passer du Bon Dieu. Mais je ne puis pas, moi, soufrant, me passer de quelque chose qui est plus grand que moi, qui est ma vie : la puissance de créer […]

Et dans un tableau, je voudrais dire quelque chose de consolant comme une musique. Je voudrais peindre des hommes ou des femmes avec ce je ne sais quoi d’éternel, dont autrefois le nimbe était le symbole, et que nous cherchons par le rayonnement même, par la vibration de nos colorations […]

Ah ! le portrait, le portrait avec la pensée, l’âme du modèle […]

Exprimer la pensée par le rayonnement d’un ton clair sur un fond sombre.

Exprimer l’espérance par quelque étoile. L’ardeur d’un être par un rayonnement de soleil couchant. Ce n’est certes pas là du trompe-l’œil réaliste, mais n’est-ce pas une chose réellement existante ?



(Linda de Villeneuve, Paysage Mythe et Territorialite Charlevoix au Xixe Siecle pour une Nouvelle Approche du Paysage, Laval, éd. Les Presses de l'Université Laval, 2011, p. 131-132.) - (Source image : Vincent van Gogh, Self Portrait with felt Hat, 1887–1888, Musée Van Gogh, © Wikimedia Commons / Vincent van Gogh, Portrait of Theo van Gogh, 1887, Musée Van Gogh, © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Pierre Bergé à Yves Saint-Laurent   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 02 Aoû 2016, 07:57

Lettre de Pierre Bergé à Yves Saint-Laurent





Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A126


Notre sexualité, nous ne l'avons jamais cachée ni exhibée.


En 2008 s’éteignait le grand couturier Yves Saint-Laurent. Il formait avec Pierre Bergé, rencontré cinquante ans plus tôt, un couple mythique, les deux associés de la célèbre Maison de Couture partageant une même passion pour l’art. Après le décès du prince de la mode, dont le travail marquera le XXème siècle, son conjoint lui écrivit plusieurs lettres. Celle-ci revient avec finesse et intelligence sur leur sexualité. Un magnifique texte en faveur de la tolérance !






8 mai 2009



Je suis de retour à Paris. […] À Marrakech un Français m’a dit que le couple que nous formions, toi et moi, l’avait aidé à accepter son homosexualité et à la vivre. Ce n’est pas la première fois qu’on me le dit. Déjà Jean-Paul Gaultier m’avait parlé en ces termes.

Chaque fois je suis heureux, même, tu le sais, si je suis opposé à tout communautarisme, à tous ces ghettos comme le quartier du Marais où tout le monde est pédé, le boucher, le teinturier, le boulanger. Je regarde avec stupeur ces rues sans femmes. C’est pour moi aussi étrange que les Juifs qui ne veulent vivre qu’avec les Juifs et les Arabes qu’avec les Arabes. Ce n’est sûrement pas cela que ceux qui ont lutté contre le racisme, l’homophobie, l’antisémitisme ont voulu. En tout cas pas moi.

Notre sexualité, nous ne l’avons jamais cachée ni exhibée. Il n’y a pas de honte à avoir, ni de fierté à en tirer même s’il existe la Marche des fiertés. Cela dit, je comprends de quoi il s’agit : la fierté d’avoir gagné le droit d’être homosexuel. Mais n’en faisons pas tout un plat. Si nous avons, toi et moi, vécu d’une façon normale c’est parce que notre sexualité l’était et que nous n’avions pas le choix. C’est assez indigne de dire que les homosexuels assument un choix. Je sais bien le rôle que j’ai joué : lorsque je t’ai connu, tu avais vingt et un ans et tu n’avais jamais vécu avec un homme. Ça n’était pas facile mais je t’ai montré que ça pouvait l’être, qu’il fallait seulement être honnête.

Cependant, je n’oublie pas tous ceux qui ne peuvent pas vivre au grand jour, qui sont obligés de se cacher, de dissimuler pour des raisons sociales, familiales, professionnelles. C’est pour eux que je me suis engagé dans ce combat pour la défense de l’homosexualité. Nous, nous n’en avions pas besoin, nous avons eu de la chance.

Je t’ai déjà parlé de la lettre que ma mère m’a adressée lorsque j’avais dix-huit ans, alors que j’avais quitté La Rochelle pour venir à Paris. Je l’ai perdue, cette lettre, mais je ne l’ai pas oubliée. Après m’avoir donné des nouvelles diverses, ma mère ajoutait : « Je veux maintenant te parler de ton homosexualité. Tu sais que rien ne me choque et que je souhaite avant tout que tu sois heureux, mais tes fréquentations m’inquiètent et, si tu étais homosexuel par snobisme ou par arrivisme, sache que je te désapprouverais. » Je n’étais ni snob ni arriviste et j’ai suivi la route que j’avais empruntée sans savoir où elle me mènerait.


Un jour elle m’a mené jusqu’à toi.


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A242




(Lettres à Yves, Pierre Bergé, Ed. Gallimard, 2010) - (Source image : Pierre Bergé photographié par Studio Harcourt Paris, 1998, © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Rainer Maria Rilke à Auguste Rodin   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 02 Aoû 2016, 08:09

Lettre de Rainer Maria Rilke à Auguste Rodin


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A125






Votre œuvre et votre exemple héroïque sera toujours l’événement le plus important de notre jeunesse.






Afin de réaliser un ouvrage sur l’artiste peintre Auguste Rodin, Rainer Maria Rilke partira à sa rencontre dans ses ateliers parisiens. Il ressortira bouleversé de cette rencontre, tout comme le sculpteur, et leur relation d’abord professionnelle, deviendra naturellement amicale. Passionnés tous deux de voyages et d’exotisme, sa vision de Paris est bien différente en relevant de l’intime. Ainsi, l’auteur de Lettres à un jeune poète verra la ville des Lumières comme le reflet de l’artiste et de l’estime qu’il lui porte.




27 octobre 1902


Mon cher Maître,


Avant votre départ, j’ai le besoin de vous dire mes reconnaissances pour toutes les heures de bonheur que vous m’avez donné pendant les deux mois que je suis à Paris. Dès que je suis arrivé ici, il n’y avait pas autre chose pour moi que votre œuvre : c’est la ville dans laquelle je vis, c’est la voix que j’entends et le silence qui m’entoure, c’est l’aurore et le crépuscule de tous mes jours et le ciel de mes nuits de travail. Je ne sais pas vous le dire, et mon livre, lui aussi, peut-être ne sera-t-il qu’un faible souvenir de mes impressions et de mes sentiments ? Mais ce que je reçois, tous les miracles de vos mains et de votre vie, tout ça n’est pas perdu : je sens que la lourde richesse que vous avez mise sur mon cœur me restera, et que, dans la résurrection de mes vers, se lèvera, beauté par beauté, tout ce temps énigmatique.

J’ai déjà une fois essayé de vous dire, que votre œuvre et votre exemple héroïque pour ma femme et pour moi-même sera toujours l’événement le plus important de notre jeunesse et le souvenir que nous garderons comme un héritage sacré pour notre enfant, et pour des jeunes gens, qui ne savent pas leur chemin et qui nous le demanderont.


Vous êtes en voyage : sachez, mon Maître, que nous pensons avec ce sentiment ardent à vous, en travaillant. Moi, je connais un peu l’Italie. J’ai vécu quelque temps à Florence, puis à Pise, et près de Pise à la campagne au bord d’une mer rêveuse et forte. Voilà un passé, qui reste debout pendant des siècles, un passé plus voisin de l’avenir que du présent. Ce doit être aussi comme une partie de vous : parce que chez Michel-Ange et Léonard vous êtes entre vos pairs.


Quand vous reviendrez, mon Maître, mon travail sera fini, je l’espère. Mais j’ai pris ces jours-ci la résolution de rester cet hiver à Paris, de fréquenter les conférences du « Collège de France «, de revenir au Louvre, de travailler et d’étudier beaucoup, par exemple de m’occuper ardemment de l’œuvre de M. Eugène Carrière.

Et j’espère que vous me donnerez la permission précieuse d’entrer quelquefois les samedis dans votre atelier et de garder ce contact avec votre œuvre, qui m’est devenue une communion de laquelle je reviens jeune et juste, éclairé de l’intérieur par l’hostie de votre beauté… Ma femme est tout le jour dans son atelier et nous ne nous voyons presque que le dimanche où nous allons au Louvre ou au Luxembourg.

Rainer Maria Rilke



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A217
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MessageSujet: Lettre de Maria Callas à Giovanni Battista Meneghini   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 02 Aoû 2016, 17:47

Lettre de Maria Callas à Giovanni Battista Meneghini


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A244





Je suis si pleine de toi que j’ai l’impression d’exploser.








En 1949, Maria Callas effectue sa première grande tournée internationale à Buenos Aires. Séparée de son époux, Giovanni Baptista Meneghini, éprouvée par son art et cet exil passager, la Diva, seule et perdue, lui écrit avec frénésie. Dans cette lettre, la plume de l’amoureuse transcende la voix de La Callas.








25 mai 1949



Mon Battista,


Aujourd’hui j’avais décidé de ne pas t’écrire parce que j’ai l’impression d’exagérer. Je te fatigue et t’embête avec mes longues et ennuyeuses lettres, n’est-ce pas ?


Maintenant, il est 12 moins le quart et je ne suis pas capable. Je suis si pleine de toi que j’ai l’impression d’exploser. Battista, j’ai besoin de toi. C’est inutile de te dire des mensonges et de faire l’héroïque. J’ai besoin de toi ; je ne sais rien faire sans toi. Tu as tout pris de moi donc tu ne peux pas m’envoyer au loin car je n’ai plus rien. Ni mon âme, ni mon ressenti, ni mon corps, rien ! J’ai été courageuse jusqu’à présent mais j’admets que je commence à ne plus pouvoir résister. Quoi que je fais, pense, vois ou mange, je me dis toujours : « Battista aime, Battista aimerait. Battista penserait comme ça, etc. »


Pardonne-moi, chéri, mais ce n’est pas ma faute si je t’aime à ce point. Nous nous sommes rencontrés, compris, estimés, aimés, entendus, et enfin indissolublement liés.


Nous ne devons pas nous séparer, nous ne le pouvons pas ! Parce que ni toi ni moi nous ne résistons. Mon monde c’est toi, tout est toi, comment veux-tu donc que je sois tranquille et sereine loin de toi.


Et puis, je n’ai plus de mots en fait pour t’exprimer tout ce que je désire et combien ma vie sans toi est inutile. Je ne pourrais jamais trouver les mots justes et assez forts.


Si j’étais à côté de toi, en me regardant dans les yeux, tu comprendrais tout ce que j’éprouve alors, et avec ma tendresse, je saurais mieux te l’expliquer qu’avec des mots froids et insuffisants.


Je serai heureuse de pouvoir rentrer dans un mois ! C’est ma prière à notre petite Madone, chaque soir. Pense au jour où nous nous reverrons ! Il me semble que mon cœur cessera de battre à cause de la joie et le monde s’arrêtera tant il y aura d’émotion. Tu y as pensé toi ? Tu y penses ?

Pourquoi ne me parles-tu pas plus de toi, de tes affaires, davantage de toi !? Tu m’écris si peu, trop peu !


Et ta santé ? Je tremble pour toi, pour nous, parce que nous sommes si amoureux et heureux qu’il me semble que c’est une chose impossible qui existe. Ce n’est pas ça ? Qui a tout ce que nous avons, nous ?!


Mon cher amour, pense à moi complètement, écris-moi et porte toi bien.


Je voudrais que tu me dises si tu pourrais trouver quelqu’un pour faire passer mes malles à mon retour, parce que si je trouve quelque chose qui me plaît ici, je pense que je l’achèterai. Par exemple, des tapis, il y en a de très beaux. Ecris-moi le prix et dis-moi ce que je devrais faire.


Je te laisse maintenant, et je continue demain. J’espère recevoir du courrier de ta part. J’ai besoin de toi, de tes lettres !


(Renzo Allegri, Maria Callas - Lettres d'amour, Robert Laffont, 2008) - (Source image : Publicity photo of Maria Callas (1923 – 1977) as Violetta in La Traviata at the Royal Opera House (1958) by photograph Houston Rogers, © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Patti Smith à Alain Tourneux   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 04 Aoû 2016, 14:07

Lettre de Patti Smith à Alain Tourneux



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A127


Ce croquis porte en lui toute la révérence rebelle de ma jeunesse.
















Patti Smith, poète de la Beat Generation autant que chanteuse garage rock, était une grande fan d’Arthur Rimbaud. En octobre 1973, elle part visiter la ville natale du poète, Charleville-Mézières, et en repart avec un dessin qu’elle gardera près d’elle de longues années. Dix-huit ans plus tard, elle écrit au Conservateur du Musée pour lui proposer de l’exposer.






1er novembre 1991

Cher Monsieur,

Voici dix-huit ans, en octobre 1973, j’ai accompli un pèlerinage solitaire à Charleville en passant par Paris. J’ai pris le train pour Charleville-Mézières et, quand je suis arrivée ce soir-là sous la pluie légère, submergée par l’émotion, j’ai fondu en larmes.

Avec le peu d’argent que j’avais, j’ai acheté à la papeterie d’à côté du papier quadrillé simple mais joli, dans l’intention de dessiner et de noter mes impressions. Toutes mes aventures à Charleville ont été écrites ailleurs, mais je vous envoie mon plus précieux souvenir de ce séjour : un petit croquis que j’ai exécuté dans la pénombre du musée Rimbaud.

Ce croquis porte en lui toute la révérence rebelle de ma jeunesse. Même fâchée avec le monde entier, j’étais assez sentimentale pour être émue aux larmes à la vue de la valise et de l’écharpe de Rimbaud.

Si ce petit dessin pouvait trouver un modeste endroit, un petit abri dans le musée où il a réellement pris forme, aucun autre honneur ne pourrait m’emplir de plus d’humilité et de joie.

Je garde toujours précieusement le ticket de ma visite… On peut y lire : Musée de l’Ardenne. Expositions. Prix d’entrée : 1 D. N° 009074. Ce franc si consciencieusement dépensé a rempli toute une vie de souvenirs doux-amers.



Merci à vous et salutations à tous.

Avec toute ma gratitude,

Patti Smith


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A247
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MessageSujet: Lettre de Marilyn Monroe à Lee et Paula Strasberg   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeVen 05 Aoû 2016, 09:50

Lettre de Marilyn Monroe à Lee et Paula Strasberg
 
 
Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A128
 
Je suis sûre de finir folle si je reste dans ce cauchemar.
 
 
 
 
Je suis sûre de finir folle si je reste dans ce cauchemar.
 
 
 
 
Marilyn Monroe (1er juin 1926 – 5 août 1962), véritable icône de la « Pop Culture » va bouleverser Hollywood dans les années 1950 en jouant dans des films tels que Les hommes préfèrent les blondes ou Certains l’aiment chaud. Marilyn Monroe est également un véritable sex-symbol qui fera tourner de nombreuses têtes, et ce, dès 1953 lorsqu’elle pose nue pour le magazine Playboy. Au-delà des paillettes, Marilyn est une femme profondément malheureuse et déchirée. 
Dans cette lettre, l’actrice fait part de son enfermement auprès de ses amis, Lee et Paula Strasberg.
 
 
 
 
Sans date
 
Chers Lee et Paula,


Le Dr Kris m’a fait admettre au New York Hospital — dans la division psychiatrique et dans les mains de deux médecins idiots — aucun des deux ne devrait être mon médecin.
Je ne vous ai pas donné de nouvelles parce que j’étais enfermée avec tous ces pauvres fous. Je suis sûre de finir folle si je reste dans ce cauchemar — s’il vous plaît, Lee, aidez-moi c’est le dernier endroit où je devrais être — peut-être en appelant le Dr Kris et en l’assurant de ma bonne santé mentale et que je dois reprendre les cours de façon à être mieux préparée pour « Rain ».

Lee, je em souviens de ce que vous avez dit un jour en cours, que « l’art va beaucoup plus loin que la science. »

Et les souvenirs effroyables qui me hantent et que j’aimerais oublier — comme cette femme qui hurle, etc. S’il vous plaît, aidez-moi. Si le Dr Kris affirme que je suis bien là, répondez-lui que ce n’est pas le cas. Je n’appartiens pas à ici.

Je vous aime tous les deux

Marilyn

P.S. Excusez l’écriture — et il n’y a rien sur quoi écrire ici. Je suis à l’étage dangereux !! C’est comme une cellule, si vous voyiez ça — des cubes de ciment. Ils m’ont mise là parce qu’ils m’ont menti en disant qu’ils appelleraient mon médecin et Joe et qu’ils avaient fermé la porte de la salle de bains alors j’ai cassé la vitre et en dehors de ça, j’ai toujours coopéré.


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A219

(Marilyn Monroe, Fragments Poèmes, écrits intimes, lettres Traduit par Tiphaine Samoyault, Le seuil, 2010, p. 219) - (Source image : Marilyn Monroe in the 1957 film The Prince and the Showgirl. Milton H. Greene © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Madame Rimbaud à Paul Verlaine   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 08 Aoû 2016, 11:22

Lettre de Madame Rimbaud à Paul Verlaine


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A129





J’ai toujours prévu que le dénouement de votre liaison ne devait pas être heureux.




Deux poètes maudits emportés par l’amour fou et tabou qui, comme une bombe, dynamite leurs vies. 
Après leur idylle et cauchemar (Verlaine tentera d’assassiner Rimbaud et sera emprisonné), rien ne sera plus comme avant : Rimbaud abandonnera l’écriture et deviendra un soldat défiant le désert, en quête d’une fortune improbable, et Verlaine se réfugiera dans la religion chrétienne. 
Quelques jours avant cette tornade, la mère de Rimbaud, ayant appris que Verlaine était tenté par le suicide, lui écrit cette lettre.







6 juillet 1873


Monsieur,


Au moment où je vous écris, j’espère que le calme et la réflexion sont revenus dans votre esprit. Vous tuer malheureux ! se tuer quand on est accablé par le malheur est une lâcheté  ; se tuer quand on a une sainte et tendre mère, qui donnerait sa vie pour vous, qui mourrait de votre mort, et quand on est père d’un petit être qui vous tend les bras aujourd’hui, qui vous sourira demain, et qui un jour aura besoin de votre appui, de vos conseils — se tuer dans de telles conditions est une infamie : le monde méprise celui qui meurt ainsi, et Dieu lui-même ne peut lui pardonner un si grand crime et le rejette de son sein.

Monsieur, j’ignore quelles sont vos disgrâces avec Arthur ; mais j’ai toujours prévu que le dénouement de votre liaison ne devait pas être heureux. Pourquoi ? me demanderez-vous. Parce que ce qui n’est pas autorisé, approuvé par de bons et honnêtes parents, ne doit pas être heureux pour les enfants. Vous, jeunes gens, vous rirez et vous vous moquez de tout ; mais il n’est pas moins vrai que nous avons l’expérience pour nous ; et chaque fois que vous ne suivrez pas nos conseils, vous serez malheureux. Vous voyez que je ne vous flatte pas : je ne flatte jamais ceux que j’aime.

Vous vous plaignez de votre vie malheureuse, pauvre enfant ! Savez-vous ce que sera demain ? Espérez donc ! Comment comprenez-vous le bonheur ici-bas ? Vous êtes trop raisonnable pour faire consister le bonheur dans la réussite d’un projet, ou dans la satisfaction d’un caprice, d’une fantaisie : non, une personne qui verrait ainsi tous ses souhaits exaucés, tous ses désirs satisfaits, ne serait certainement pas heureuse ; car, du moment que le cœur n’aurait plus d’aspirations, il n’y aurait plus d’émotion possible, et ainsi plus de bonheur. Il faut donc que le cœur batte, et qu’il batte à la pensée du bien, — du bien qu’on a fait, ou qu’on se propose de faire.

Et moi aussi, j’étais bien malheureuse. J’ai bien souffert, bien pleuré, et j’ai su faire tourner toutes mes afflictions à mon profit. Dieu m’a donné un cœur fort, empli de courage et d’énergie. J’ai lutté contre toutes les adversités ; et puis j’ai réfléchi, j’ai regardé autour de moi, et je me suis convaincu, mais bien convaincu, que chacun de nous a au cœur une plaie plus ou moins profonde. Ma plaie, à moi, me paraissait beaucoup plus profonde que celle des autres ; et c’est tout naturel : je sentais mon mal, et ne sentais pas celui des autres. C’est alors que je me suis dit (et je vois tous les jours que j’ai raison) le vrai bonheur consiste dans l’accomplissement de tous ses devoirs, si pénibles qu’ils soient !

Faites comme moi, cher Monsieur : soyez fort et courageux contre toutes les afflictions ; chassez de votre cœur toutes les mauvaises pensées. Luttez, luttez sans relâche contre ce qu’on appelle l’injustice du sort ; et vous verrez que le malheur se lassera de vous poursuivre, vous redeviendrez heureux. Il faut aussi travailler beaucoup, donner un but à votre vie ; vous aurez sans doute encore bien des jours mauvais ; mais quelle que soit la méchanceté des hommes, ne désespérez jamais de Dieu, Lui seul, console et guérit, croyez-moi.

Je vous serre la main, et ne vous dis pas adieu ; j’espère vous voir un jour.

Madame votre mère me ferait grand plaisir en m’écrivant.


V. Rimbaud

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A249


(Paul Verlaine, Correspondance générale (tome I) 1857-1885 © Éditions Fayard, 2005. ) - (Source image : Portrait photographique de Paul Verlaine. [Paris, 1893]. Négatif original sur plaque de verre (11,7 x 17,8 cm), légendé au verso sur une bande de papier collé Verlaine par Otto Wegener, 1893, © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre d’Honoré de Balzac à Laure de Berny   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016, 20:43

Lettre d’Honoré de Balzac à Laure de Berny


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A132



Pour moi votre mélancolie fut un charme.


Laure de Berny fut l’une des femmes les plus importantes de la vie de Balzac.


Malgré les 25 ans qui les séparent, l’écrivain passe du rôle de précepteur de ses filles à amant, même si Madame de Berny se refusa d’abord au jeune homme, le trouvant trop jeune. Elle cédera finalement pour devenir l’amante la plus importante du futur écrivain. Ci-dessous, la déclaration d’amour de l’écrivain à sa muse.






Janvier 1822


Quand vous m’êtes apparue, ce fut avec cette grâce qui environne tous les êtres dont l’infortune vient du cœur, j’aime d’avance ceux qui souffrent. Ainsi, pour moi votre mélancolie fut un charme, vos malheurs un attrait, et, du moment que vous avez déployé les agréments de votre esprit, toutes mes pensées se sont involontairement rattachées aux doux souvenirs que j’ai conservés de vous.

Ah ! rassurez-vous, madame, je vous jure que ce qui dicte cette lettre est des sentiments les plus purs que le cœur d’un être de vingt ans ait jamais enfantés.

Ainsi, sachez, madame, que cette lettre est l’expression franche d’une jeune âme qui se trouve dans la même position que vous. Elle est gaie, parfois elle s’abandonne à la mélancolie, et c’est dans un de ces moments où tout semble peine qu’elle s’est adressée à vous pour vous faire la confidente de ses pensées dont vous êtes le centre.

Si j’obtiens la faveur d’une réponse, mon esprit ombrageux m’a suggéré que ce serait peut-être un piège pour chercher à me connaître et vous moquer de moi.

Mais non, je n’ai point cela à craindre, car vous ne me répondrez pas. Il y a mille raisons qui vous retiendront et dont vous n’aurez pas le courage de secouer le joug.

Quoi qu’il en soit, je ne me lasserai point de continuer à penser à vous avec délices. Songez, madame, que, loin de vous, il existe un être dont l’âme, par un admirable privilège, franchit les distances, et court avec ivresse vous entourer sans cesse, qui se plaît à assister à votre vie, à vos sentiments, qui tantôt vous plaint, et tantôt vous souhaite, mais qui vous aime avec cette chaleur de sentiments et cette franchise d’amour, qui n’a fleuri que dans le jeune âge, un être pour qui vous êtes plus qu’une amie, plus qu’une sœur, presque une mère, et même plus que tout cela, une espèce de divinité visible à laquelle il rapporte toutes ses actions.
Il faut avouer que le hasard que l’on est convenu d’appeler Dieu fut bien bizarre quand, en me refusant le don de la parole, il m’accorda par surcroît une triple dose de timidité.
Ne serait-ce pas plutôt un bienfait que d’avoir posé tant de barrières autour d’une passion fougueuse qui règne en souveraine ?

N’avoir que de l’amitié pour vous, cela m’est impossible.

Vous allez vous écrier et dire : « La Morale, les Mœurs ! je deviendrais méprisable ! »
Je suis dans le plus grand étonnement sur cet article du mépris. Avez-vous bien pesé ce qu’il voulait dire ? Il signifie que vous vous estimez bien peu en pensant qu’en vous donnant à moi vous seriez avilie, tandis que, dans mon idée, je crois que nous en serions, en quelque sorte, honorés l’un par l’autre.

Vous parlez des choses les plus charmantes avec négligence et vous y attachez aussi peu d’importance que s’il s’agissait du Sultan Saladin. Et vous ne voyez pas que ce peu d’importance serait une raison pour ne pas faire le malheur d’un ami pour si peu de chose.
Et qu’est-ce que je vous demande ? Rien, si ce n’est la permission de vous aimer sans que vous vous fâchiez.

Je conviens que la dernière chose à laquelle je ressemble, c’est un amoureux, je n’en ai ni le ton, ni les manières, je n’ai ni grâces, ni hardiesses, rien d’agressif ; en un mot, je suis comme ces jeunes filles qui paraissent gauches, sottes, timides, douces, et qui cachent sous ce voile un feu, qui, une fois qu’il aura franchi les cendres qui le couvrent, dévorera la maison et le foyer et tout !

Quel problème qu’une femme qui retrouve dans le commencement de son automne des jours aussi beaux que ceux de l’été, qu’une femme d’esprit qui juge le monde tel qu’il est, se refuse à cueillir la pomme qui perdit nos premiers parents.

Je suis persuadé que vous n’avez pour moi aucun sentiment dans lequel il y ait quelque chose qui admette la familiarité et la joyeuserie de l’âme et la folâtrerie.

Si vous avez des principes philosophiques, tels que je les suppose, la conséquence est que nous pourrons tout entiers, qu’il n’y a ni vice, ni vertu, ni enfer, ni paradis, et que la seule chose qui doit nous intéresser c’est cet axiome : « Prends le plus de plaisir que tu pourras. »
Au surplus, jamais je ne peindrai mieux mon caractère qu’il n’a été dépeint par un grand homme. Relisez les Confessions et vous l’y trouverez tout au long.



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MessageSujet: Lettre d’Antonin Artaud à Colette Thomas   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016, 20:44

Lettre d’Antonin Artaud à Colette Thomas


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A131



Vous êtes une fleur unique que le monde ne veut pas laisser vivre.






Colette Thomas épousa le romancier Henri Thomas et par lui fit la rencontre de la personnalité à la fois captivante et redoutable d’Antonin Artaud. Comédienne jusqu’alors restée dans l’ombre elle sera selon Artaud : « la plus grande actrice que le théâtre ait vue ». Les rapports d’Artaud avec les femmes ont toujours été complexes.


Jeune acteur, d’une beauté rayonnante, il vivra des aventures sans lendemains du temps de la courte vie du Théâtre de la Cruauté, mais Colette Thomas surgira alors qu’il est aux bords de sa mort, vieillard éructant, porté par une gloire sulfureuse et lui-même enfermé dans une virulente haine du sexe et comme frappé d’un esprit d’inquisiteur. Colette ne pouvait qu’être une de « ses filles de cœur ».


3 juin 1946


Chère Colette,

Disant publiquement que les enfants de la mise en scène princpe ne sont pas dans le son mais dans le con, vous ne serez pas une actrice mais la plus grande amie de mon âme désireuse de manifester et d’imposer l’un de mes élans de cœur, à tous.
Ce qui nous empêche de vivre, vous et moi, c’est la masse, et elle recule comme Béémoth devant la manifestation plus massive qu’elle de certaines vérités. —
Ne rien faire, ne plus quitter Saint-Germain, c’est se laisser enliser par elle, la masse, et se laisser pénétrer par son insuline, c’est se faire faire sans le savoir une cure d’insulinothérapie.
Y a-t-il beaucoup d’êtres au monde, Colette, qui tiennent à vous de toute leur âme et qui veulent que votre moi et votre personnalité existent, je ne le crois pas et je crois que votre mère est au fond et en fait votre ennemie, il faut choisir entre vos parents et moi.
Je vous ai dit que je m’enfermerai dans ma tour abolie parce que vous m’avez désespéré avec de faux prétextes pour ne pas rester avec moi pour travailler aujourd’hui.
Vous êtes une fleur unique que le monde ne veut pas laisser vivre.
Je crois avoir perçu cette fleur telle qu’elle est et pour rien au monde je ne voudrais la léser physiquement ou moralement, mais cette fleur a besoin de moi, et on le sait et on voudrait bien l’enlever de mon atmosphère pour me désespérer et la désespérer d’échapper au conformisme général : famille : société :
« Tu resteras incluse ailleurs que dans tout ce qui est Artaud ».
Colette, il faut réagir à tout instant et à tout prix.

Je vous embrasse.

ANTONIN ARTAUD


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MessageSujet: Lettre d’Eugène Delacroix à Monsieur Varcollier   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016, 20:47

Lettre d’Eugène Delacroix à Monsieur Varcollier


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A130



Mourons, mais après avoir vécu.




Delacroix, peintre du romantisme, peintre d’œuvres mémorables comme La Liberté guidant le peuple, La Mort de Sardanapale ou encore Femmes d’Alger dans leur appartement, incarne à merveille la fougue et l’ivresse du génie artistique. Du sentiment à la révolution picturale, il n’y a qu’un pas… épistolaire. Dans cette lettre qu’il dresse à un proche, le peintre fait preuve d’une plume dont la teneur en philosophie égale la beauté.





7 juillet 1852


… J’ai des voisins que je vois le soir, ou bien à cette heure-là je fais des promenades où je trouve de la fraicheur. Le matin je travaille aussi régulièrement qu’à Paris, et bien que mes couleurs soient sèches avant la fin de la séance, je tiens bon ! Je tiens l’ennui en échec et n’ai pas le temps d’avoir des idées noires.

Voilà la vie que je mène et que je voudrais beaucoup pouvoir prolonger, dans le moment surtout ; la perspective du travail dans mon atelier de Paris est un grave épouvantail, et cependant il n’y a pas à reculer. Dimicandum, c’est une belle devise que j’arbore par force et un peu par tempérament. J’y joins celle-ci : Renovare animos. Passer du grave au doux, de la ville à la campagne, du monde à la solitude, jusqu’à ce que l’on passe de quelque chose à rien !

Mais alors, quoi qu’en pense Hamlet, les songes dans ce repos profond ne viendront pas nous apporter les images du mouvement, et c’est un bienfait de l’incomparable Nature que cette autre rénovation des êtres dans ce grand concert où elle nous jette, têtes, bras, ventre, esprit, sentiment, basses natures, nobles esprits, pour entier de nouveau et éternellement d’autres apparences animées, et rajeunir le grand et éternel spectacle.

Mourons, mais après avoir vécu. Beaucoup s’inquiètent s’ils revivront après la mort, et ils ne rêvent pas. Dès à présent, combien d’hommes rêvent à votre gré, sans parler du sommeil des maladies ! Combien se passe-t-il de notre vie dans des emplois abrutissants pour l’esprit, combien à fumer, combien à des spectacles insipides qui tiennent de la place dans la vie sans l’occuper d’une manière digne de l’homme ! Beaucoup d’hommes qui n’ont pas essayé de vivre disent qu’ils n’ont plus le temps, et ils retombent sur l’oreiller où ils se bercent sans plaisir. Il faudrait veiller sans cesse sur soi, car la paresse est un entraînement de tous les moments ; donc il faut combattre ou crever honteusement.

Adieu, mon cher ami, en voici beaucoup par le temps qu’il fait. J’ai eu là un mouvement qui promettait beaucoup, et j’ai tourné court… par paresse probablement. Dieu vous préserve de cette rouille. Mais votre esprit n’est pas de ceux qui s’endorment, et même dans les souffrances qui le tiennent éveillé et tout en enrageant, vous êtes comme le brahmine de Voltaire qui ne voudrait pas être une bête…


(Eugène Delacroix, Correspondance générale, Paris, éd. Librairie PLON, 1936.) - (Source image : Eugène Delacroix par Nadar, Unknown date © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de John Keats à Fanny Brawne   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 18 Aoû 2016, 20:50

Lettre de John Keats à Fanny Brawne


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A1186



Je suis gourmand de toi.


John Keats (31 octobre 1795 – 24 février 1821) éminent poète romantique à la trajectoire fulgurante, marquera son temps de son talent littéraire, notamment avec son œuvre emblématique, Endymion. Sa poésie célèbre la pureté de la nature sauvage, mais est aussi attachée aux mythes classiques comme Hypérion. Derrière le poète, l’homme : sa passion pour Fanny Brawne fut portée à l’écran par Jane Campion dans Bright Star, passion dont témoigne cette lettre d’amour d’un poète au désespoir.






Mai 1820


Mardi matin –

Ma chère Fille,


J’ai écrit une Lettre pour toi hier en attendant de voir ta mère. Je dois être assez égoïste pour l’envoyer bien que je sais que cela te causerait un peu de peine, parce que je souhaite que tu vois à quel point je suis malheureux de mon amour pour toi, et je m’efforce du mieux que je peux pour t’inciter à m’abandonner ton coeur entier car mon existence dépend de toi. Tu ne peux faire un pas ou bouger une paupière sans que cela ne touche mon coeur – je suis gourmand de toi – Ne pense à rien d’autre qu’à moi. Ne vis pas comme si je n’existais pas


– Ne m’oublie pas – Mais ai-je le droit de dire que tu m’oublies ? Peut-être que tu penses à moi toute la journée. Tu me pardonnerais de souhaiter une telle chose, si tu savais la passion extrême que j’ai que tu devrais m’aimer – et pour toi de m’aimer comme je t’aime, tu ne dois penser à personne d’autre qu’à moi, much less write that sentence. Hier et ce matin j’ai été hanté par une douce vision


– Je t’ai vu dans ta robe de bergère. Combien mes sens ont souffert de cela ! Combien mon cœur s’est dévoué à ça ! Combien mes yeux se sont remplis de larme à cette vision ! En effet je pense que le véritable Amour est assez pour combler le coeur le plus large – Ton voyage seule en ville, a été un choc quand j’en ai entendu parler – pourtant je m’y attendais – promets-moi de ne pas le refaire pendant un moment, jusqu’à ce que j’aille mieux. Promets-moi cela et remplis le papier plein des noms les plus attachants. Si tu ne peux le faire avec une bonne foi, dis-moi mon Amour – dis ce que tu penses – confesse si ton cœur est trop attaché au monde. Peut-être alors je pourrais te voir d’une plus grande distance, je ne serais peut-être pas capable de t’amener si près de moi.



Si tu devais perdre ton oiseau préféré de sa cage, combien tes yeux te feraient mal tant qu’il sera en vue ; lorsqu’il aura disparu tu te remettrais peu à peu. Peut-être que si tu te confesse à moi sur toutes les choses qui te sont nécéssaires à part moi, je pourrais être plus heureux, en étant moins tourmenté. Ainsi vous pouvez vous exlamez combien il est égoïste, combien il est cruel, de pas me laisser profiter de ma jeunesse ! de me souhaiter d’être malheureux ! Tu dois l’être si tu m’aimes – sur mon Ame je ne peux être contenté de rien d’autre. Si tu pouvais vraiment t’amuser à une Fête – si tu peux sourire aux visages des gens, et leur souhaiter de t’admirer maintenant, tu ne m’as ou ne m’aimeras jamais – Je ne vois la vie que par la certitude de ton Amour – convaincs moi de ça ma douce. Si je n’en suis pas convaincu je mourrais d’agonie. Si nous aimons nous ne devons pas vivre comme le font les autres hommes et femmes – Je ne peux tolérer les traces de loups de la mode et dandy et cancans. Tu dois être mienne pour mourir upon the rack si je te veux. Je ne prétends pas avoir plus de sentiments que mes camarades – mais je te souhaite de regarder mes lettres agréables ou non et savoir si la Personne qui les a écrits peut être capable d’endurer plus longtemps les agonies et les incertitudes que tu es en train de créer – Mon rétablissement physique ne me sera d’aucun intérêt si tu n’es pas tout à moi lorsque je suis en forme. Pour l’amour de dieu sauve-moi – ou dis-moi que ma passion est d’une nature trop affreuse pour toi. Dieu te bénisse


J.K.



 
 
(John Keats, Lettres, traduit par Robert Davreu, Belin, 1993, p. 442) - (Source image : John Keats in 1819, painted by his friend Joseph Severn, National Portrait Gallery © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Bonaparte à Joséphine   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeVen 19 Aoû 2016, 08:41

Lettre de Bonaparte à Joséphine


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A1187




Une de tes pensées empoisonne ma vie, déchire mon âme.





Napoléon qui n’est encore que Bonaparte, écrit à Joséphine, qui n’est encore Madame de Beauharnais, le lendemain d’une dispute. 
Cette lettre a été écrite entre le début de leur liaison passionnée, en décembre 1795, et leur mariage, le 9 mars 1796. Elle est caractéristique de la façon qu’avait Napoléon de choisir les qualificatifs dans ses premières lettres à Joséphine (« incomparable », « mio dolce amor ») et de faire des fautes d’orthographe (trois baisé) !





Dimanche matin - 1795/1796


Je vous ai quittée emportant avec moi un sentiment pénible je me suis couché bien fâché il me semblait que l’estime qui est due à mon caractère devait éloigner de votre pensée la dernière qui vous a agité hier au soir. Si elle prédominait dans votre esprit vous seriez bien injuste madame et moi bien malheureux !


Vous avez donc pensé que je ne vous aimais pas pour vous !!! Pour qui donc ! ah ! madame j’aurais donc bien changé ? 

Un sentiment si bas a t’il pu être conçu dans une âme si pure ? J’en suis encore étonné moins encore cependant que du sentiment qui à mon réveil ma ramené sans rancune et sans volonté à vos pieds.  Certes il est impossible d’être plus faible et plus dégradé. Quel est donc ton étrange pouvoir incomparable Josephine ? Une de tes pensées empoisonne ma vie, déchire mon âme par les résolutions les plus opposées.

Mais un sentiment plus fort, une humeur moins sensible me rattache, me ramène et me conduit encore comme coupable.  Je le sens bien, si nous avons des disputes ensemble, tu devrais récuser mon cœur, ma conscience ; tu les as séduits, ils sont encore pour toi.
Toi cependant mio dolce amor tu as bien reposé ? as-tu seulement pensé 2 fois à moi !!! je te donne trois baisé, un sur ton cœur, un sur ta bouche, un sur tes yeux.



NB.



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A250
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MessageSujet: Lettre de Nijinski à Diaghilev   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeVen 19 Aoû 2016, 10:57

Lettre de Nijinski à Diaghilev


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A1189




J'aime te conjuguer.




Serge Diaghilev, fondateur des Ballets russes et impresario de ballet de renommée, s’éprit de l’un de ses danseurs, et pas des moindres, Vaslav Nijinski, qui lui-même avait une liaison avec un riche aristocrate.


Lorsque les deux tourtereaux se marièrent, Diaghilev démit de ses fonctions son danseur fétiche.
Nijinski reviendra des années plus tard aux Ballets russes mais leur vieille amitié est définitivement brisée. Il sombre alors peu à peu dans la folie jusqu’à ne plus reconnaître son vieil amant.



A l’Homme

Je ne peux pas te nommer, car on ne peut pas te nommer. Je ne t’écris pas à la hâte, car je ne veux pas que tu croies que je suis nerveux. Je ne suis pas un homme nerveux. Je sais écrire calmement. J’aime écrire. Je n’aime pas écrire de belles phrases. Je n’ai pas appris à écrire de belles phrases. Je veux écrire la pensée. J’ai besoin de la pensée. Je n’ai pas peur de toi. Je sais que tu me détestes. Je t’aime comme on aime un être humain. Je ne veux pas travailler avec toi. Je veux te dire une chose. Je travaille beaucoup. Je ne suis pas mort. Je vis. Dieu vit en moi. Je vis en Dieu. Dieu vit en moi.

Je travaille beaucoup la danse. Ma danse progresse. J’écris bien, mais je ne sais pas écrire de belles phrases. Tu aimes les belles phrases. Je n’aime pas les belles phrases. Tu formes des troupes. Je ne forme pas de troupes. Je ne suis pas un cadavre. Je suis un homme vivant. Tu es un homme mort, car tes buts sont morts.

Je ne t’ai pas appelé ami, car je sais que tu es mon ennemi.

Je ne suis pas ton ennemi. L’ennemi n’est pas Dieu. Dieu n’est pas un ennemi. Les ennemis recherchent la mort, je recherche la vie. J’ai de l’amour. Tu as de la méchanceté. Je ne suis pas une bête féroce. Tu es une bête féroce. Les bêtes féroces n’aiment pas les gens. J’aime les gens.

Dostoïevski aimait les gens. Je ne suis pas un idiot. Je suis un homme. L’Idiot de Dostoïevski est un homme. Je suis un idiot. Dostoïevski est un idiot. Tu croyais que j’étais bête. Je croyais que tu étais bête. Nous croyions que nous étions bêtes. Je ne veux pas conjuguer. Je n’aime pas les conjugaisons. Tu aimes qu’on s’incline devant toi. J’aime qu’on s’incline devant moi. Tu injuries ceux qui s’inclinent. J’aime ceux qui s’inclinent. J’attire les inclinations. Tu fais peur aux inclinations. […]

Je ne veux pas de ton sourire, car il sent la mort. Je ne suis pas la mort, et je ne souris pas. Je n’écris pas pour me moquer. J’écris pour pleurer. Je suis un homme avec du sentiment et de la raison. Tu es un homme avec de l’intelligence, mais sans sentiment. Ton sentiment est mauvais. Mon sentiment est bon.

Tu veux me perdre. Je veux te sauver. Je t’aime. Tu ne m’aimes pas. Je te veux du bien. Tu me veux du mal. Je connais tes astuces. Je faisais semblant d’être nerveux. Je faisais semblant d’être bête. Je n’étais pas un gamin. J’étais Dieu. Je suis Dieu en toi. Tu es une bête, et je suis l’amour. Tu n’aimes pas ceux-là maintenant. J’aime ceux-là et tous maintenant. Ne pense pas, n’écoute pas. Je ne suis pas à toi. Tu n’es pas à moi. Je t’aime maintenant. Je t’aime toujours. Je suis à toi. Je suis à moi. Tu es à moi. J’aime te conjuguer. Je suis à toi. Je suis à moi.


[…]
Tu es en moi, et je suis en toi.
Tu es à moi, et je suis à toi.
Tu es celui qui veut la mort
Tu es celui qui aime la mort
J’aime l’amour l’amour.
Je suis amour, et tu es mort
Tu as peur de la mort, de la mort
J’aime, j’aime, j’aime
Tu es mort, et je suis sang.
Ton sang n’est pas amour.
Je t’aime, toi, toi.
Je ne suis pas sang, je suis esprit
Je suis sang et esprit en toi.
Je suis amour, je suis amour.
Tu ne veux pas vivre avec moi.
Je te veux du bien.
Tu es à moi, tu es à moi.
Je suis à toi, je suis à toi.
J’aime écrire avec une plume,
J’écris, j’écris.
Toi, tu n’écris pas tu dépêches
Tu es une dépêche je suis une lettre.
Tu es machine je suis amour
Je suis machine je suis amour. […]
Pou, pou, pou, pou, pou, pou, dre
Je suis pou, je suis pou.
Je suis pou, je suis pou
Tu es poud, tu es poud
Je suis poud, tu es poud
Je suis re, et tu es re
Dre, dre, dre, poudre
Je suis poud et tu es dre
Dre, dre,dre, poudre
Je suis pou et tu es dre
Je suis oudre et tu es ordre
Je suis outre et tu es autre
Nous sommes en poudre et il y a de la poudre
Je suis poud, et tu es dre.
Nous faisons du bruit
Tu n’es pas bruit, et je suis bruit
Je suis jeune, et tu es vieux.
Nous sommes vieux, et je suis jeune
Jeune est vie, et pas le marteau
Je suis le grand marteau pas le petit marteau
Tu es teau, et je suis toc
Toc, toc, toc, mais pas toc.
Nous sommes toc, toc, toc
Tu n’es pas toc, et je suis toc.
Je suis toc, toc, toc.
Tu n’es pas toc, toc, toc.
Je veux pour toi toc, toc.
Tu n’es pas toc, tu n’es pas toc
Je suis toc, je suis toc
Je toque tous les jours
Tu toques tous les jours
Nous toquons, nous toquons
Tu toques je ne notch
Nous sommes totch, mais pas tchetch
Tchectch et totch, mais pas tchetch
Nous tchetchons dans tchetch je suis tchetch
Tchetch, tchetch, tchetch n’est pas tchetch.
Tchetchouia je ouia tchouia.
Je tcheou je ouia houia
Houia tchouiaaa je ne suis tchouia
Tchouia tchouia tu es leur tchouia
Tchouia tchouia tu es houia
Je suis bite, mais pas à toi
Tu es à moi, mais je ne suis pas à toi
La bite est à moi car c’est une Bite
Je suis Bite, je suis Bite.
Je suis Dieu dans ma bite.
Je suis Dieu dans ma bite.
Ta bite n’est pas à moi n’est pas à moi
Je suis bite dans sa Bite
Je bite, je bite, je bite
Tu es bite mais pas Bite
Je peux biter, biter
Tu ne peux pas biter la bite
Je ne suis pas une bite dans ta bite
Je suis une bite dans Sa bite.
Tchouï, tchouï, je ne suis pas tchouï
Tu es tchouiou pas à moi dans tchouiou.
Je suis tchouï tchouï, tu n’es pas tchouï
Nous sommes tchouï, vous n’êtes pas tchouï.
Tchouï, tchouï, tchouï n’est pas l’écaille.
Je ne suis pas tchouï en écaille
Je suis tchouï tchouï. Je suis tchouï tchouï.
Tchouï, tchouï, tchouï, mais pas ouï
Ouï est l’intelligence, l’Intelligence n’est pas à moi
J’aime, j’aime
L’intelligence dans l’intelligence tchouiou est à moi
Je suis tchouï. J’aime
Tchouï, tchouï, tchouï n’est pas écaille
Je suis Dieu sans écaille
L’écaille est intelligence dans tchouiou
Je suis tchouï, je suis tchouï.
Je suis une bite, mais pas à toi.
Tu es à moi, mais je ne suis pas à toi.
La bite est à moi, car Bite.
Je suis une Bite, je suis une Bite.
Je Dieu dans ma bite.
Je suis Dieu dans ma bite. Ta bite n’est pas à moi, pas à moi.
Je suis bite dans Sa bite.
Je bite, je bite, je bite.
Tu es bite, mais pas Bite.
Je veux t’écrire beaucoup, mais je ne veux pas travailler avec toi, car tes buts sont autres. Je sais que tu sais faire semblant. Je n’aime pas les faux-semblants. J’aime les faux-semblants, quand l’homme veut du bien. Tu es un homme méchant. Tu n’es pas un tsar. Et moi je suis un tsar. Tu n’es pas mon tsar, et moi je suis ton tsar.
Tu me veux du mal. Je ne te veux pas de mal. Tu es méchant, et moi je te berce. Dodo, dodo, dodo, dodo. Dors paisiblement, dodo, dodo. Dodo. Dodo. Dodo

Vaslav Nijinski


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A253



(Nijinski, Journal, Gallimard, 1953 ) - (Source image : The dancer Vaslav Nijinsky in the ballet Le spectre de la rose as performed at the Royal Opera House in 1911, © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Freud à sa fille, Mathilde   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeDim 21 Aoû 2016, 22:59

Lettre de Freud à sa fille, Mathilde


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A133

Que tu sois ma fille ne te nuira pas spécialement




Sigmund Freud (6 mai 1856 – 23 septembre 1939), médecin neurologue autrichien, est le père de la psychanalyse.


Celui qui consacrera sa vie à sa discipline fut également un père aimant, toujours prêt à aider ses enfants dans leurs questionnements, leur apportant tout de même certaines fois des réponses étranges.



26 avril 1908

Ma chère Mathilde,

C’est la première fois que tu fais appel à mon aide, et cette fois, tu ne me rends pas la tâche difficile, car il est aisé de voir que tu surestimes de beaucoup ton mal et en tires des déductions qui, d’après ce que je sais et selon mes informations, sont tout à fait superfétatoires.
Je ne veux pas te donner de belles illusions, ni cette fois ni un autre — je les tiens pour nocives et sais que le soupçon qu’il s’agisse d’illusions abolit le plaisir qu’elles peuvent dispenser. Mais il n’y en a nul besoin. Merano est destiné à te revigorer physiquement, et c’est certainement le bon endroit pour ça ; pour ce qui est de l’affection locale, il n’est, bien sûr, d’aucun secours ; il faut provisoirement l’abandonner à elle-même. […]

Tu sais que j’ai toujours eu le projet de te garder à la maison au moins jusqu’à l’âge de vingt-quatre ans, jusqu’à ce que tu sois tout à fait raffermie pour les tâches de la vie conjugale et peut-être pour celle d’avoir des enfants, et que tu aies réparé les faiblesses que les trois grandes maladies qui ont mis ta vie en péril au cours de tes jeunes années ont laissées en moi.

Dans notre situation sociale et matérielle, les jeunes filles ne se marient pas à juste titre en leur prime jeunesse ; sans quoi, elles en ont fini trop tôt avec la vie conjugale. Tu sais que ta mère avait vingt-cinq ans lors de son mariage.

Tu rattaches sans doute à cette cause actuelle, qui ne suffit pas comme explication, un souci ancien, dont je souhaitais t’entretenir un jour. Je me doutai depuis longtemps que, si raisonnable que tu sois par ailleurs, tu te froisses de n’être pas assez belle et de ne pas plaire à un homme pour cette raison. Je t’ai observée avec sourire, parce que, premièrement, tu me paraissais suffisamment belle, et que, deuxièmement, je sais qu’en réalité ce n’est plus depuis longtemps la beauté plastique qui décide de la destinée de la jeune fille, mais l’impression qui se dégage de sa personnalité.

Ton miroir te rassurera sur ce point : il n’y a dans tes traits rien d’ordinaire ou de dissuasif, et ton souvenir te confirmera que tu t’es encore conquis respect et influence dans chaque cercle de personnes où tu t’es trouvée. C’est ainsi que j’étais rassuré sur ton avenir, pour autant qu’il dépend de toi, et tu peux l’être aussi. Que tu sois ma fille ne te nuira pas spécialement non plus. Je sais qu’il a été décisif pour mon choix de trouver chez ma femme un nom respecté, et dans sa maison une atmosphère chaleureuse, et d’autres encore penseront certainement comme moi quand j’étais jeune.

Les avisés parmi les jeunes gens savent bien ce qu’ils ont à chercher auprès d’une femme, la douceur, la gaieté et l’aptitude à leur rendre la vie plus belle et plus facile. Je serais terriblement peiné que, par découragement, tu optes pour une autre voie, mais j’espère que ce n’est qu’un accès passager dans une situation à laquelle conclurent de multiples facteurs.

Tu tiens ton physique de deux tantes, auxquelles tu ressembles plus qu’à ta mère. Je préfèrerais que tu vires du côté de tante Minna, plutôt que de celui de tante Rosa, qui, avec son besoin de lamentations, nous rend à présent la vie insupportable à tous, en se faisant, bien sûr, aucun bien non plus à elle-même. On en devient dur, et on se souvient qu’auparavant elle avait coutume de se plaindre à tel point de petits malheurs que la valeur du deuil actuel s’en trouve presque abolie. Elle est vraiment épouvantable. Plutôt infirme de la tête aux pieds que cette incapacité à jouir et à renoncer.

Toi, pauvre enfant, tu viens de voir pour la première fois la mort faire irruption dans une famille, ou tu viens d’en entendre parler, et peut-être as-tu tremblé à l’idée que la vie d’aucun d’entre nous n’est mieux assurée. Nous autres vieilles personnes le savons tous, et c’est pourquoi vivre a pour nous une valeur particulière. Nous nous fixons pour but, dans une activité sereine, de ne pas nous laisser égarer par l’inévitable fin. Avoue donc que, toi qui es si jeune, tu n’as encore aucune raison d’avoir l’humeur altérée.

Je me réjouis quand même d’apprendre que le soleil de Merano te fait par ailleurs tant de bien. […]

De tous les gens qui veulent t’épouser à la station, aucun ne me convient vraiment, même pas le jeune R., qui est bien trop immature et que tu peux imaginer tel un Han Teller en plus raffiné. J’attends seulement d’eux tous qu’ils me paient l’argent dont nous avons besoin à diverses fins, et espère de préférence un beau-fils en bonne santé. Le Dr Raab ne paraît pas te déplaire ; tu n’as pas mauvais goût, mais n’hériteras-tu pas de son anxiété ? Et n’est-il pas une goutte étrangère de notre sang ? Si tu avais connu ton grand-père, de lui on pouvait apprendre l’art de vivre.

Je te salue cordialement et après avoir à nouveau bientôt des nouvelles de toi.

Ton père qui t’aime

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A254
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MessageSujet: Lettre de Debussy à Lilly Texier   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 22 Aoû 2016, 10:23

Lettre de Debussy à Lilly Texier


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A135


Impatient de ta bouche, de ton corps et de t’aimer.





Claude Debussy (22 août 1862 – 25 mars 1918) n’est pas qu’un compositeur de génie qui révolutionna la musique au tournant du XXème siècle. Si son esprit créatif s’est surtout exprimé dans ce domaine, il est aussi un épistolier enflammé dont les lettres d’amour à Marie-Rosalie (dite Lilly) Texier, qu’il épouse en 1899, figurent au panthéon des plus belles déclarations.


Lundi. 24 Av/99.

Ma chère petite Lili.

Claude n’est pas encore guéri des morsures de ta chère petite bouche ! et il ne peut guère faire autre chose que de penser à cette soirée où tant de bonheur inespéré lui fut donné par toi, cela de la façon la plus jolie, et avec l’abandon le plus complet qui soit au monde.

Vois-tu, Lili jolie ; il y avait en nous, presque malgré nous, quelque chose d’ardemment passionné qui brûlait secrètement et n’attendait qu’une occasion de se manifester.
Et tu as ressenti une joie, aussi folle, aussi aiguë que la mienne, avoue qu’il eût été dommage que cette soirée n’arrive pas, pour nous prouver ce que nous pensions l’un de l’autre.
Reçois mon infini remerciement de tout ce que j’ai d’amour pour toi. Tâche de ton côté de m’en donner le plus possible…

Crois aussi que ce Samedi où je dois te revoir me paraît affreusement lointain…

Impatient de ta bouche, de ton corps et de t’aimer.

Ton

Claude

(DEBUSSY (Claude), Correspondance, Hermann, 1993 ) - (Source image : Debussy par Nadar [1908] © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Blanca, une petite fille en colonie de vacances loin de ses parents   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 23 Aoû 2016, 14:00

Lettre de Blanca, une petite fille en colonie de vacances loin de ses parents


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Blanca10



PS : je veux rentrer.

Blanca, une petite fille de 9 ans en colonie à l’Essert Romand, écrit le deuxième jour à ses parents cette lettre, les suppliant de venir la chercher.


L’orthographe n’a pas été modifiée.




Chèr parent


Vous me manquer bocoup. Aujourd’hui j’ai vomi par-ce-que vous me manquer. Je veux rentrer à la maison s’il vous plaît je vous en supli !!!
Je pense à vous trais trais fort je vous aime casiment tous les matins je pleur par-ce-que je pense à vous, rien qu’en vous écrivent, j’ai les larmes aux yeux !!!
L’année prochaine je ne fait pas la colo.
Et vous ça va ?

Et Tom ?

Enorme bisou !!!


PS : je veux rentrer.
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MessageSujet: Lettre de Michel Butor à Georges Perros    Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 25 Aoû 2016, 17:57

Lettre de Michel Butor à Georges Perros


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A136


Ce sentiment d’un rêve qu’on avait depuis tout petit garçon



Michel Butor (14 septembre 1926 – 24 août 2016), écrivain phare du Nouveau Roman, livre dans cette lettre à son ami Georges Perros son arrivée et ses premiers pas dans la Grosse Pomme, New York.

1960

Mon vieux Georges,

On y est, de l’autre côté de l’eau. Tu imagines l’agitation avant le départ, d’autant plus que jusqu’au dernier moment on ne saurait pas si on pourrait partir, because visa. Et puis les livres à signer (j’espère que tu les as reçus) avec un petit pincement de cœur à laisser tout ça derrière soi sans savoir du tout ce que les gens allaient en penser. Les nouvelles viendront, inch’Allah ; je souhaite bonne chance à ces enfants perdus.


Immense bateau ; nous avions une cabine pour nous trois très confortable. Deux premiers jours mer très agitée, nous avons dormi, un peu malades. Puis mer très calme, ciel clair, mais il faisait si froid sur le pont que nous sortions en tout cinq minutes par jour. Nous dormions, plus tranquilles, nous commencions à nous détendre un peu. L’arrivée dans le port de New York à l’aube gelante, avec la Lune, les gratte-ciels illuminés, la ville violette naissant de nuages et de remous, imagine pour cela un Chateaubriand d’acier calme, avec les petits bateaux tout autour du nôtre, la soie des sillages, ce sentiment d’un rêve qu’on avait depuis tout petit garçon qui non seulement se réalise, mais en bien plus grand et plus étonnant qu’on l’avais jamais rêvé.


Longue attente avant de débarquer. J’allais surveiller de temps en temps la hauteur du Soleil. Heureusement des amis nous attendaient sur le quai pour nous soutenir le moral au milieu du désordre des formalités douanières. Puis, après juste un regard sur la ville au matin, avec une merveilleuse lumière, une grande automobile nous a menés jusqu’à Bryn Mawr en traversant d’abord une région de marécages et d’usines, sur des autostrades d’huile, nous arrêtant pour déjeuner dans une station-service pour véhicules et contenu, où l’on vous propose avec le menu ce Benedicite tolérant.



Ici c’est une banlieue à millionnaires, charmantes maison parmi des arbres superbes ; les constructeurs du collège ont tout fait pour rappeler Cambridge. Il n’y ont pas du tout réussi, mais leur volonté est si bien inscrite dans les moindres détails que l’on pense tout de même à Cambridge constamment. Ils auraient voulu qu’on s’y croie ; ils ont obtenu que l’on se redise constamment que l’on n’y est pas.



Nous sommes dans une vieille maison dans un appartement qui se tortille comme un serpent et dont nous avons immédiatement changer les meubles de place. Tous mes exils ici me reviennent à la mémoire : Minieh, Manchester, Salonique, Genève. J’ai l’impression de reprendre une histoire interrompue. Je vais me remettre sans doute à écrire des lettres.


[…] Mes cours commencent mardi. A partir du milieu de février je commencerai à quitter Marie-Jo tous les week-ends pour aller conférencer ça et là.



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MessageSujet: Lettre d’Alain-Fournier à Jeanne Bruneau   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 29 Aoû 2016, 10:50

Lettre d’Alain-Fournier à Jeanne Bruneau



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A137





Je t'ai beaucoup aimée, Nanon, et j'aurais voulu que tu comprennes tout ce à quoi je renonçais pour t'aimer ainsi.





Alain-Fournier ( 3 octobre 1886 – 22 septembre 1914), auteur du Grand Meaulnes, est l’un des premiers écrivains français tombé sur le front. Jeanne Bruneau est, avec Simone, la seule femme avec laquelle Fournier a eu une liaison assez suivie. Ils se rencontrent sur les quais à Paris, près des Tuileries. Ils deviennent amants dans les jours ou semaines qui suivent, mais la liaison s’avère vite chaotique.


Leur histoire durera deux ans, deux ans faits de ruptures et de réconciliations.





9 décembre 1910
Ma Nanon,


Ta lettre d’hier était bien courte et écrite au galop juste au moment de partir en promenade, mais ce n’est pas seulement pour cela que tu n’as rien eu de moi.

J’ai passé une très mauvaise journée. J’étais dans un état de dépression affreux. Tout le jour, j’ai été comme certaines nuits où je me réveille tout d’un coup, où je me pose des questions avec un remords impossible à dire.

L’impression que la vie passera et qu’on n’aura rien fait, qu’on se présentera à la fin de sa vie comme à la fin de sa journée, les mains vides, et surtout ah ! l’impression que la jeunesse est finie et qu’on n’a pas fait ce qu’on aurait dû faire — j’ai goûté cela hier amèrement, affreusement, tout le jour sous une grande averse grise qui me trempait.

Aujourd’hui, c’est passé, pour un jour encore me revoici jeune et orgueilleux et violent et riant ; la pluie a séché et voici le grand vent qui balaye tout, sous le soleil froid.

Qu’aurais-je pu te dire hier qui ne te fasse pas de mal ?

Comme toujours lorsque je suis ainsi, je suis resté très tard au journal, seul, m’attardant indéfiniment à écrire ce courrier avec un incommensurable dégoût.

Si quelqu’un d’ami était venu dans cette grande salle où j’étais seul et m’avait posé la main sur l’épaule, sans doute je n’aurais pu m’empêcher de pleurer. Et quelle douleur plus grande y a-t-il pour un homme que celle d’avouer ses larmes.

Je suis resté éveillé une partie de la nuit. À un moment, j’ai rêvé que j’étais dans un champ en face de la maison de mes parents. C’était la nuit et je ne reconnaissais plus la maison. Une nuit admirable, où il y avait par instant de grands éclats bleus et des appels. Mais j’étais enfoncé dans ce champ, effrayé et malade, j’appelais, et personne, dans la maison endormie, ne me répondait.

Ne crois pas que je me complaise dans ce désespoir, j’en ai un dégoût indicible. Lorsque ce désespoir me prenait la nuit, à Mirande, je me levais et je marchais de long en large dans la petite maison où j’habitais seul. Ou bien je lisais la Bible comme un vieil anglais qui va mourir.

Pourquoi suis-je devenu ainsi, moi qui étais gai, innocent et bon ? Qu’y a-t-il donc qui me fasse tant de peine ?

J’ai reçu ta lettre, ce matin, elle m’a rendu tout heureux et tout fier, mais nous aimerons-nous jamais comme il faudrait ? Je suis heureux que tu te dises si près de moi, plus près de moi que jamais, et j’en suis fier aussi. Rappelle-toi le temps où tu me disais : « Ce sont de grands mots auxquels je ne crois pas. D’abord je n’ai pas d’âme ni de cœur… »

Je t’ai beaucoup aimée Nanon, et j’aurais voulu que tu comprennes tout ce à quoi je renonçais pour t’aimer ainsi. Je t’ai beaucoup aimée, mais j’aurais voulu que tu comprennes combien, si tu avais voulu, j’aurais pu t’aimer davantage encore.
Jamais tu n’as encore montré que tu croyais à notre amour, comme à une chose différente de tout, en dehors de tout, plus forte que tout. Les quelques fois où tu aurais pu le montrer, les trois fois, pense à ce que tu as fait ! Comme il faut que je t’aime pour vouloir encore croire en toi.

[…] Fais comprendre à ta maman, sans le lui dire, que je l’aime beaucoup. —

— Ma Nanon, je t’aime.

Henri


(Bien entendu, je ne considère pas le courrier comme étant quelque chose d’écrit par moi.)

Tu reviendras comme tu es partie, vilaine, c’est-à-dire quand cela te dira.

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A261
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MessageSujet: Dernière lettre de Jean Seberg à son fils Alexandre Diego   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 30 Aoû 2016, 10:00

Dernière lettre de Jean Seberg à son fils Alexandre Diego


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A139



Comprends-moi.




Jean Seberg, née en 1938, actrice emblématique de la Nouvelle Vague, a incarné un idéal féminin pour toute une génération.


Sa vie privée tumultueuse et son mariage avec Romain Gary ont fait d’elle une véritable icône des sixties.


Le 30 août 1979, elle succombe à une overdose massive de barbituriques et d’alcool dans une voiture près de son appartement rue du Général-Appert, laissant cette note à son fils Alexandre Diego…






Diego,

Mon fils chéri, pardonne-moi. Je ne pouvais plus vivre. Comprends-moi. Je sais que tu le peux et tu sais que je t’aime. Sois fort.

Ta maman qui t’aime.



( http://www.parismatch.com/Culture/Cinema/Ete-1979-Jean-Seberg-a-bout-de-souffle-141150 ) - (Source image : Jean Seberg | classicfilmscans.blogspot.com | kate gabrielle | Flickr)
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MessageSujet: Lettre de Johnny Cash à sa femme June Carter   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 08 Sep 2016, 13:53

Lettre de Johnny Cash à sa femme June Carter



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A111



Notre amour plus chaud qu’un grain de poivre.

Le 12 septembre 2003, le célèbre chanteur de country, Johnny Cash, décédait des suites d’un diabète, quatre mois après la mort de son épouse et complice de toujours, June Carter : certains disent alors qu’il est mort de chagrin après sa disparition. Pourtant, leur histoire d’amour n’a pas commencé sous les meilleurs auspices : non seulement le chanteur est marié lors de leur première rencontre en 1950, mais ses abus d’alcool et de substances en tout genre ne facilitent guère leur relation.


Près de vingt ans plus tard, après un divorce et une cure de désintoxication, le couple se marie et ne se quittera plus.


Avec tendresse et ferveur, Johnny Cash exprime en peu de mots toute l’affection et l’admiration qu’il portait à sa femme.

Salut June,

C’est très gentil June. Tu es douée avec les mots tout autant qu’avec moi.
Le feu et l’excitation sont peut-être partis maintenant que nous ne sortons plus et que nous ne les chantons plus, mais The ring of fire brûle toujours autour de toi et moi, gardant notre amour plus chaud qu’un grain de poivre.
Avec tout mon amour,

John


(House of Cash : The Legacies of my Father, Johnny Cash, John Carter Cash, Insight Editions, 2012)



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A210



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A310
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MessageSujet: Lettre de Voltaire à d’Alembert   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 08 Sep 2016, 14:03

Lettre de Voltaire à d’Alembert



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A110



Ce monstre ose parler d'éducation !


« L’image d’un siècle des Lumières où la philosophie unirait les philosophes est assurément trompeuse ». Tous issus d’origines sociales et de professions variés, certains se sont vus être confrontés à des visions pour le moins divergentes. En 1759, Jean-Jaques Rousseau écrit la Lettre à d’Alembert sur les spectacles.


Il y développe sa théorie sur le théâtre, celle qui prouve qu’en son sein, la corruption est bel et bien là. Pour Voltaire, l’inconditionné de théâtre s’en est trop.


Dans cette lettre destinée à un de leurs confrères, d’Alembert, le philosophe écrit noir sur blanc tout ce qu’il pense de Rousseau, pour le meilleur et surtout pour le pire.






17 juin [1762]

L’excès de l’orgueil et de l’envie a perdu Jean-Jacques, mon illustre philosophe. Ce monstre ose parler d’éducation ! lui qui n’a voulu élever aucun de ses fils, et qui les a mis tous aux Enfants-trouvés. Il a abandonné ses enfants et la gueuse à qui il les avait faits. Il ne lui a manqué que d’écrire contre sa gueuse, comme il a écrit contre ses amis. Je la plaindrai s’il est pendu, mais par pur humanité, car je ne le regarde personnellement que comme le chien de Diogène, ou plutôt que comme un chien descendu d’un bâtard de ce chien.
Je ne sais pas s’il est abhorré à Paris comme il l’est par tous les honnêtes gens de Genève. Soyez sûr que quiconque abandonnera les philosophes fera une fin malheureuse. […]


(Les plus belles lettres manuscrites de la langue française, Bibliothèque Nationale / Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1992.) - (Source image : Voltaire par Maurice Quentin de La Tour, 1736 / Portrait de Jean Le Rond d'Alembert, 1753 © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Léon Tolstoï à sa femme   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeVen 09 Sep 2016, 10:46

Lettre de Léon Tolstoï à sa femme

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A112





Moi, qui étais un homme débauché, profondément vicieux sur le plan sexuel


Léon Tolstoï (9 septembre 1828 – 20 novembre 1910), l’auteur de deux des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature mondiale (Guerre et Paix et Anna Karénine), a révolutionné l’enseignement, fondé une communauté utopique et a su s’imposer comme un des sages de son temps.


Il entretint durant 48 ans une vie commune tumultueuse avec sa femme Sophie, ponctuée par la naissance de treize enfants.
Quelques mois avant de mourir d’une pneumonie, il écrit cette lettre à sa femme, bilan de leur relation et prémisse d’une rupture à venir.


14 juillet 1910

[…] Si tu es anxieuse à l’idée que les passages de mon journal que j’ai écrits sous le coup de nos moments de désaccords et de querelles puisses être utilisés contre toi par de futurs biographes malveillants, sans même parler du fait que de telles expressions de sentiments éphémères, aussi bien dans mon journal que dans le tien, ne peuvent en aucune façon brosser un tableau fidèle de nos relations véritables, – si tu crains cela, je suis content de l’occasion qui m’est donnée d’exprimer dans mon journal ou dans cette lettre ce qu’est la relation que j’entretiens avec toi et l’appréciation que je porte sur ta vie.

Ma relation avec toi et l’appréciation que je porte sur toi sont les suivantes : de même que je t’ai aimée depuis ma jeunesse, je n’ai cessé, malgré différentes causes de refroidissement, de t’aimer et de continuer à t’aimer. Les causes de ces refroidissements (et je ne parle pas de la cessation de nos relations conjugales, qui n’a pu qu’écarter les expressions trompeuses d’un amour qui n’est pas véritable) ont été les suivantes : premièrement, mon éloignement de plus en plus grand des intérêts de la vie mondaine et mon aversion pour eux, alors que tu ne voulais et ne pouvais t’en détourner, n’ayant pas dans ton âmes les fondements qui m’ont conduit à mes convictions, ce qui est très naturel et ce dont je ne te fais pas le reproche. Voilà pour le premièrement.

Deuxièmement (pardonne-moi si ce que je vais dire te sera désagréable, mais ce qui se passe entre nous est si important qu’il ne faut pas avoir peur d’énoncer et d’écouter toute la vérité), deuxièmement, ton caractère, ces dernières années, est devenu de plus en plus irritable, despotique et emporté. Les manifestations de ces traits de caractère ne pouvaient pas ne pas refroidir non pas le sentiment lui-même, mais son expression. Voilà pour le deuxièmement.

Troisièmement. La cause principale et fatidique a été celle dont pas plus toi que moi ne sommes coupables : il s’agit de la compréhension tout à fait opposée que nous avons du sens et du but de la vie. Tout dans la compréhension de la vie de chacun d’entre nous s’est trouvé en opposition radicale : notre façon de vivre, notre relation avec les gens, nos moyens pour vivre – la propriété que je considère comme un péché, et toi comme une condition nécessaire de la vie. Dans ma façon de vivre, afin de ne pas me séparer de toi, je me suis soumis à des conditions de vie qui m’étaient pénibles, alors que toi, tu prenais cela pour des concessions faites à tes points de vue, et le malentendu qui a surgi entre nous n’a cessé de s’amplifier.

[…] Le fait est que, malgré tous les anciens malentendus, je n’ai cessé de t’aimer et de t’estimer ;
L’appréciation que je porte sur ta vie avec moi est la suivante : moi, qui étais un homme débauché, profondément vicieux sur le plan sexuel, plus de première jeunesse, je me suis marié avec toi, une jeune fille de dix-huit ans, pure, belle et intelligente, et malgré mon passé sale et vicieux, tu as vécu près de cinquante ans avec moi, en m’aimant, en menant une vie honnête, laborieuse et pénible, en mettant au monde des enfants, en les nourrissant, en les éduquant, en t’occupant d’eux et de moi-même, sans céder à ces tentations auxquelles peut si facilement succomber n’importe quelle femme forte, solide et belle dans ta situation. Et tu as vécu de telle sorte que je n’ai rien à te reprocher. En ce qui concerne le fait que tu ne m’as pas suivi dans mon évolution spirituelle personnelle, je ne peux te le reprocher et je ne te le reproche pas, car la vie spirituelle de tout individu est le secret qu’il entretien avec Dieu, et les autres ne peuvent rien exiger de lui. Et si je l’ai exigé de ta part, je me suis trompé et j’en suis coupable.

Voilà donc la description fidèle de ma relation avec toi, et de l’appréciation que je porte sur toi. En ce qui concerne ce qui peut se retrouver dans mon journal, je sais seulement qu’il ne s’y trouve rien qui soit violent et contraire à ce que j’écris maintenant.
[…] Maintenant, si tu n’acceptes pas mes conditions d’une vie bonne et paisible, je reprendrai ma promesse de ne pas te quitter. Je partirai. Je ne partirai sans doute par chez Tchertkov. Je poserai même comme condition absolue qu’il ne vienne pas vivre à mes côtés, mais je partirai certainement, car continuer de vivre comme nous le faisons maintenant est impossible.

Je pourrais continuer cette vie s’il m’était possible de supporter tranquillement tes souffrances, mais c’est impossible pour moi. Hier, tu es partie, bouleversée, tourmentée. Je voulais aller me coucher, mais je me suis mis non pas à penser à toi, mais à te ressentir, et je n’ai pas dormi, je t’ai sentie jusqu’à une heure, jusqu’à deux heures, je me suis réveillé et je t’ai ressenti, je t’ai vue dans mon sommeil ou dans un demi-sommeil. Réfléchis sereinement, ma chère amie, écoute ton cœur, ressens-le, et tu trouveras la solution de tout comme il convient. À mon sujet, je te dirai que pour ma part j’ai tout décidé en sorte que je ne peux, je ne peux pas faire autrement. Cesse, ma chérie, de tourmenter non pas les autres mais toi-même, toi-même oui, parce que tu souffres cent fois plus que les autres. Voilà tout.


Lev Tolstoï.



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A210


( Léon Tolstoï, Lettres à sa femme, Rivages Poche ) - (Source image : Leo Tolstoy 1897, F. W. Taylor © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de D.H. Lawrence à Frieda Weekly   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 12 Sep 2016, 13:29

Lettre de D.H. Lawrence à Frieda Weekly


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A113




Car c'est une grande chose pour moi que de t'épouser





David Herbert Lawrence (11 décembre 1885 – 2 mars 1930) est l’auteur du célèbre l’Amant de lady Chatterley qui fit tant scandale à l’époque. C’est en 1912 qu’il rencontre Frieda von Richthofen, l’épouse d’un de ses anciens professeurs, qui l’initiera aux plaisirs charnels alors qu’il lui fait découvrir la poésie.
Quelques temps avant de l’épouser, il lui écrit ce superbe chant d’amour.






15 mai 1912


Ne sens-tu pas ce que mon amour pour toi a d’inévitable, tout comme est inévitable notre mariage. Mais attendons juste un peu, pour reprendre des forces. Deux personnes sous le choc, plutôt mal en point, cela serait un mauvais départ. Donnons-nous un temps d’attente, parce que je t’aime. Ou est-ce que l’attente fait pour toi empire les choses ? — non, si c’est seulement un temps de préparation. Tu sais, je suis comme les anciens chevaliers, il semble que j’aie besoin d’un certain temps pour me préparer – une sorte de veille en compagnie de moi-même ? Car c’est une grande chose pour moi que de t’épouser, pas une simple union rapide et passionnée. J’ai dans mon cœur cette certitude que « voilà la femme que je dois épouser ». C’est une impression assez terrible – parce que c’est une grande chose dans ma vie – c’est ma vie – je suis un peu impressionné – j’ai besoin de m’y habituer. Si tu penses que c’est de la peur et de l’indécision, tu es injuste envers moi. C’est toi qui dans ta hâte fait preuve d’irrésolution. C’est la force même et le caractère inévitable de ce qui va arriver qui me poussent à attendre, pour me mettre en harmonie avec la situation. Mon Dieu, je vais t’épouser, maintenant, ne le vois-tu pas. Je n’ai jamais rien vécu d’aussi important. Donne-moi au moins jusqu’au prochain week-end. Si tu m’aimes, tu comprendras.
Si je t’apparais simplement effrayé et hésitant — il faut me pardonner.
J’essaie, j’essaierai toujours, en t’écrivant, d’être aussi proche de la vérité que possible. Cela me tourmente, car j’ai peur de te décevoir et j’ai peur que tu sois blessée. Mais tu es forte quand il le faut.

Tu m’as tout entier – je ne flirte même pas – cela m’ennuierait mortellement – à moins que j’aie un peu bu. Il est bizarre de sentir que la passion – le désir sexuel – n’est plus une espèce d’errants, mais est stable et sereine. Je crois que quand on aime, la passion sexuelle elle-même devient sereine, comme une force solide au lieu d’une tempête. La passion qui rend presque fou est très éloignée du véritable amour. Je suis en train de comprendre de choses que je n’aurais jamais cru comprendre – Regarde le poème que je t’ai envoyé – je ne pourrais jamais écrire un tel poème à l’argent et cette infecte mentalité possessive. Je deviens plus révolutionnaire à chaque minute, mais pour l’amour de la vie.

Le matérialisme mort du socialisme marxiste et des soviets me semble ne pas valoir mieux que ce que nous avons. Ce qu’il nous faut, c’est la vie et la confiance : des hommes ayant foi en les hommes et faisant de la vie quelque chose de libre, non pas un salaire qu’il faut gagner. Mais si les hommes avaient foi en les hommes, nous pourrions bientôt avoir un monde nouveau et envoyer celui-ci au diable.

C’était un message de plus – peut-être trop fort pour vous. Mais cette infecte comédie, cette injustice – voyez seulement les riches Anglais ici sur la Riviera, ils sont des milliers – me donne la nausée. Les hommes ne peuvent supporter l’injustice.

Bonne année,


DHL

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A213
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MessageSujet: Lettre de Samuel Beckett à Thomas McGreevy   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 19 Sep 2016, 17:54

Lettre de Samuel Beckett à Thomas McGreevy



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A310


Mon sentiment est, de plus en plus, que la plus grande partie de ma poésie (...) échoue précisément parce qu’elle est facultative.






Samuel Beckett (13 avril 1906 – 22 décembre 1989) écrivain, poète et dramaturge irlandais, auteur d’ En attendant Godot remporta le Prix Nobel en 1969. S’il est surtout reconnu pour son œuvre théâtrale, Beckett était aussi une fin poète, exprimant la plupart du temps son profond pessimisme face à la condition humaine.





18 octobre 1932


Mon cher Tom

Savoir que tu aimes mon poème me fait chaud au cœur. Sincèrement mon impression était qu’il ne valait pas grand-chose car il ne représentait pas une nécessité. Je veux dire que d’une certaine façon il était « facultatif » et que je ne m’en serais pas plus mal porté si je ne l’avais pas écrit.

 Est-ce là une façon très insipide de parler de la poésie ? Quoi qu’il en soit je trouve qu’il est impossible d’abandonner cette vision des choses. 

Sincèrement à nouveau mon sentiment est, de plus en plus, que la plus grande partie de ma poésie, bien qu’elle puisse être raisonnablement heureuse dans son choix des termes, échoue précisément parce qu’elle est facultative. 

Alors que les 3 ou 4 que j’aime et qui semblent avoir été attirés en luttant contre le véritable sale temps d’une de ces belles journées pour entrer dans le terrier de la « vie privée », Alba & le long Enueg & Dortmunder & même Moly, ne me donnent pas et ne m’ont jamais donné l’impression d’être construits. 

Je ne peux pas très bien m’expliquer à moi-même ce qu’ils ont qui les distingue des autres, mais c’est quelque chose d’arborescent ou du ciel, pas Wagner, pas les nuages sur roues ; écrits au-dessus d’un abcès et non à partir d’une cavité, une déclaration et non une description de chaleur dans l’esprit pour compenser le pus dans l’esprit. N’est-ce pas cela que veut dire Éluard ?

Quel est le rôle de la racine ?

Le désespoir a rompu tous ses liens.


Je n’ai pas honte de bégayer ainsi avec toi qui as l’habitude de ma façon délirante de ne pas réussir à dire ce que j’imagine que je veux dire et qui comprends que jusqu’à ce que la bouche doit bégayer ou se taire.
 Et seule une bouche plus stoïque que la mienne peut se taire. Il y a un type d’écriture qui correspond à des actes d’imposture & de débauche de la part de l’officine de l’écrivain. Le gémissement que je dois lâcher de plus en plus en écrivant est là – c’est-à-dire presque toujours bien ficelé, en terrain, faute d’orifice, chaleur de friction et la combustion spontanée de l’esprit pour compenser le pus & la souffrance qui menacent son économie, manœuvres frauduleuses pour obtenir que la cavité fasse ce qu’elle ne peut pas faire – le travail de l’abcès. Je ne sais pas pourquoi le poème jésuitique qui est une fin en soi et justifie tous les moyens devrait me dégoûter tant. 

Mais c’est le cas – à nouveau – de plus en plus. J’essayais d’aimer à nouveau Mallarmé l’autre jour, & je ne pouvais pas, parce que c’est de la poésie jésuitique, même le Cygne & Hérodiade. J’imagine que je suis un sale P. aux tendances puritaines même en poésie, préoccupé de l’intégrité dans un surplis.

 Je porte le deuil de l’intégrité de l’émission de sperme chez un pendu, ce que je trouve chez Homère & Dante & Racine & parfois Rimbaud, l’intégrité des paupières tombant avant que le cerveau ne soit conscient du grain de poussière dans le vent. […]


Toujours affectueusement,

Sam

( http://www.fondationlaposte.org/article.php3?id_article=1612 ) - (Source image : Samuel Beckett par Roger Pic, 1977, Bibliothèque Nationale de France)
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MessageSujet: Lettre de William Faulkner à David Kirk   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 19 Sep 2016, 17:55

Lettre de William Faulkner à David Kirk


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A139


En donnant au Noir la possibilité de faire la preuve de son aptitude.



William Faulkner (25 septembre 1897 – 6 juillet 1962) est un romancier américain qui reçut en 1949 le Prix Nobel de littérature alors qu’il était encore relativement peu connu. Sa consécration littéraire est totale puisqu’il est considéré comme l’un des plus grands écrivains américains de tous les temps et a exercé une influence majeure sur les générations suivantes.


Ses romans traversent le temps, à l’image du Bruit et la fureur, Tandis que j’agonise, et Lumière d’août. C’est sous un autre aspect que cet écrivain se dévoile dans cette lettre, laissant apparaître son avis sur la ségrégation et la manipulation qu’il souhaite exercer sur les Noirs à des fins politiques.




Le 8 mars 1956


Cher Mr Kirk,

J’ai bien reçu votre lettre du 1er mars il y a déjà quelques jours, mais je voulais prendre le temps de réfléchir avant d’essayer de vous répondre.
Je ne chercherai pas à vous dire comment résoudre les problèmes qui vous attendent. Car ils seront toujours spécifiques, particuliers à un temps et à un lieu — je veux dire que c’est lorsqu’ils surgiront qu’il faudra leur trouver une solution appropriée.
J’ai découvert que le meilleur moyen de régler un problème avec honnêteté, dans l’honneur, et avec le courage qui s’impose est de bien examiner sa propre position sur le problème, d’expliciter les principes auxquels on croit et qui guident votre action.
Je vais essayer de vous présenter brièvement les idées qui déterminent ma conduite.


1.    La ségrégation, c’est fini, que cela nous plaise ou non. Il ne s’agit plus de choisir entre son maintien et son abolition. Le seul choix qui nous reste est de décider comment cela se fera. Il s’agit de savoir si la ségrégation sera abolie par la force, de l’extérieur, en dépit de notre résistance, ou si cette abolition résultera de nos efforts à nous Sudistes qui devront en supporter le fardeau, faute de quoi elle nous sera imposée par la force.

Ma position est que nous devons y mettre fin nous-mêmes, ne serait-ce que pour la raison suivante ; en donnant au Noir la possibilité de faire la preuve de son aptitude à l’égalité, nous garderons la supériorité : il nous devra de la reconnaissance ; tandis que si cette égalité nous est imposée par la loi, par l’effet d’une contrainte extérieure, ce sera le Noir qui nous dominera car, en dépit de notre opposition, il sera le vainqueur, le gagnant. Et nul tyran n’est plus cruel que celui qui la veille encore était l’opprimé, l’esclave.

Voilà pour le réalisme politique, sans tenir aucun compte de la morale. Sans tenir compte non plus de la situation internationale, où nous perdrons sans cesse du terrain au profit des puissances qui ont décrété que la liberté individuelle doit périr. Nous devrons, nous autres qui croyons en cette liberté individuelle, mettre le plus de gens possible de notre côté. Les Noirs sont dix-sept millions. Il faut qu’ils soient dans notre camp, et non dans celui des Russes.

Voilà comment je vois le problème. Pourquoi n’entrez-vous pas en relation avec le Student Council ou la rédaction du TAR HEEL [la revue des étudiants de l’Université de Caroline du Nord] à l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill. Ils s’y sont pris de façon remarquable. A mon avis, la meilleure manière de régler ce problème sans porter atteinte à l’intégrité, à l’honneur et à la raison est de fonder une organisation interuniversitaire dont la mission serait de promouvoir l’honnêteté et l’esprit de raison parmi les étudiants et les étudiants du Sud — les jeunes. Une alliance d’hommes de mon âge n’aurait pas le même poids. A mon avis, rien ne pourrait avoir plus d’autorité qu’un rassemblement d’étudiants sensés, raisonnables, représentant toutes les institutions du Sud, prêts à défendre les valeurs fondamentales de la démocratie ; car si nous voulons survivre, nous devons montrer au monde que nous prenons au sérieux ce principe essentiel qu’est le respect de la volonté de la majorité, volonté fondée sur l’honnêteté et l’équité pour tous et sanctionnée dans la loi.

Il est possible qu’au début ce ne soit pas facile. Il est triste de constater — et cela en dit long sur la nature humaine — qu’il est plus facile, plus amusant, plus excitant d’être contre quelque chose que l’on voit, comme une peau noire, que d’être pour un principe abstrait, telles la justice et l’équité et (à long terme) la préservation des libertés individuelles.

Et lorsque vous serez confronté à ces problèmes spécifiques, n’oubliez pas non plus que vous avez affaire à des pleutres. Dans leur majorité, les partisans de la ségrégation ont peur de quelque chose — peut-être des Noirs, je ne sais pas. Mais ils semblent incapables d’agir autrement qu’en foule ; et les foules ont toujours peur de quelque chose, de quelque chose qu’elles redoutent de ne pas pouvoir affronter seules et en plein jour.

Consultez vos amis, si vous voulez, envoyez une copie de votre lettre et une copie de la mienne avec un mot d’accompagnement au directeur de TAR HEEL en Caroline du Nord, et attendez le résultat. Tenez-moi au courant.

Bien sincèrement,



William Faulkner.

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A211


( William Faulkner, Lettres choisies, Gallimard. ) - (Source image : William Faulkner en 1954, photographié par Carl Van Vechten © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Pablo Escobar à Silvia María Hoyos   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 19 Sep 2016, 18:00

Lettre de Pablo Escobar à Silvia María Hoyos


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A114





Dès la première prise, elles te rendent addict et transformentta vie en enfer.





« El magico », surnom pour le moins révélateur de l’un des plus grands narcotrafiquants du XXe siècle, celui de Pablo Escobar. Véritable personnage public, son histoire est de celles qui intéressent le plus, en témoigne le succès de la série Narcos.




En 1991, la baron de la drogue finit par être inculpé et incarcéré dans la prison dite quatre étoiles, « La catedral ». 


Cet enfermement fut la chance pour la journaliste Silvia María Hoyos, nièce du procureur Carlos Mauro Hoyos assassiné par les hommes de main du « Zar de la Cocaína », de s’en rapprocher et de comprendre ses motivations, son histoire.




Après une interview, elle propose au détenu de continuer à communiquer par le biais des correspondances. Il accepta à condition que ces missives restent privées. En 2015, douze ans après le meurtre de Pablo Escobar, Silvia María Hoyos décida de dévoiler cet échange. Dans cette missive, c’est le visage d’un père aimant sans aucun tabou pour ses enfants que dévoile la plume du baron de la drogue.


1991


Vous savez déjà que j’ai deux enfants, le premier s’appelle Juan Pablo et a quatorze ans, la seconde, Manuela, vient de souffler ses sept bougies. À mon fils, je lui ai offert principalement de l’amitié, et c’est comme cela que je le considère, comme un ami. Parfois nous faisons un peu de boxe mais désormais c’est le sexe qui l’intéresse. Je lui parle donc souvent de sexualité parce que je pense qu’avoir une vie sexuelle sans tabou est un pilier fondamental dans la vie de chacun. […]


Je lui parle aussi de la drogue et lui explique lesquelles sont mortelles et dangereuses et qui incluent de ne jamais y toucher parce que dès la première prise, elles te rendent addict et transforment ta vie en enfer […]. Il y a des drogues qui ne sous entendent pas d’avoir un contrôle sur soi puissant, ni même de la rigueur pour arrêter et c’est pour cela qu’il est nécessaire de savoir lesquelles elles sont. Parce qu’il y en a certaines qui, sans même s’en rendre compte, entraînent celui qui les prend, s’il n’a pas réussi à mettre un frein au moment opportun, vers un abysse profond.





( http://bit.ly/2c5JlW1 ) - (Source image : A mugshot of Pablo Escobar taken in 1977 by the Medellín Control Agency © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre d’André Breton à sa fille, Aube   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 22 Sep 2016, 10:15

Lettre d’André Breton à sa fille, Aube


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A117



Je vous souhaite d'être follement aimée.






André Breton, poète, écrivain et figure de proue du Surréalisme, fut connu à bien des égards.


Malgré tout, l’une de ses multiples facettes demeure toujours très peu connue du grand public, celle qui révèle le visage d’un homme tendre, celle du père qu’il était. La correspondance qui l’unit à sa fille est tant révélatrice des états d’âme du poète que du lien qui unissait Aube à son père. Ce n’est qu’en 2009 que cette dernière donnera son autorisation pour rendre public cet échange si précieux à ses yeux.


Dans cette lettre, André Breton prend seize ans d’avance et décide d’écrire à la jeune femme que sa fille, alors âgée de huit mois, deviendra, et de lui léguer par l’épistolaire son héritage.




1937


Chère Écusette de Noireuil,


Au beau printemps de 1952 vous viendrez d’avoir seize ans et peut-être serez-vous tentée d’entrouvrir ce livre dont j’aime à penser qu’euphoniquement le titre vous sera porté par le vent qui courbe les aubépines… Tous les rêves, tous les espoirs, toutes les illusions danseront, j’espère, nuit et jour à la lueur de vos boucles et je ne serai sans doute plus là, moi qui ne désirerais y être que pour vous voir. Les cavaliers mystérieux et splendides passeront à toutes brides, au crépuscule, le long des ruisseaux changeants. Sous de légers voiles vert d’eau, d’un pas de somnambule une jeune fille glissera sous de hautes voûtes, où clignera seule une lampe votive. Mais les esprits des joncs, mais les chats minuscules qui font semblant de dormir dans les bagues, mais l’élégant revolver-joujou perforé du mot « Bal » vous garderont de prendre ces scènes au tragique.

Quelle que soit la part jamais assez belle, ou tout autre, qui vous soit faite, je ne puis savoir. Vous vous plairez à vivre, à tout attendre de l’amour. Quoi qu’il advienne d’ici que vous preniez connaissance de cette lettre – il semble que c’est l’insupposable qui doit advenir – laissez-moi penser que vous serez prête alors à incarner cette puissance éternelle de la femme, la seule devant laquelle je ne me sois jamais incliné. Que vous veniez de fermer un pupitre sur un monde bleu corbeau de toute fantaisie ou de vous profiler, à l’exception d’un bouquet à votre corsage, en silhouette solaire sur le mur d’une fabrique – je suis loin d’être fixé sur votre avenir laissez-moi croire que ces mots : « L’amour fou » seront un jour seuls en rapport avec votre vertige.

Ils ne tiendront pas leur promesse puisqu’ils ne feront que vous éclairer le mystère de votre naissance. Bien longtemps j’avais pensé que la pire folie était de donner la vie. En tout cas j’en avais voulu à ceux qui me l’avaient donnée. Il se peut que vous m’en vouliez certains jours. C’est même pourquoi j’ai choisi de vous regarder à seize ans, alors que vous ne pouvez m’en vouloir. Que dis-je, de vous regarder, mais non, d’essayer de voir par vos yeux, de me regarder par vos yeux.

Ma toute petite enfant qui n’avez que huit mois, qui souriez toujours, qui êtes faite à la fois comme le corail et la perle, vous saurez alors que tout hasard a été rigoureusement exclu de votre venue, que celle-ci s’est produite à l’heure même où elle devait se produire, ni plus tôt ni plus tard et qu’aucune ombre ne vous attendait au-dessus de votre berceau d’osier. Même l’assez grande misère qui avait été et reste la mienne, pour quelques jours faisait trêve. Cette misère, je n’étais d’ailleurs pas braqué contre elle : j’acceptais d’avoir à payer la rançon de mon non-esclavage à vie, d’acquitter le droit que je m’étais donné une fois pour toutes de n’exprimer d’autres idées que les miennes. Nous n’étions pas tant… Elle passait au loin, très embellie, presque justifiée, un peu comme dans ce qu’on a appelé, pour un peintre qui fut de vos tout premiers amis, l’époque bleue.

Elle apparaissait comme la conséquence à peu près inévitable de mon refus d’en passer par ou presque tous les autres en passaient, qu’ils fussent dans un camp ou dans un autre. Cette misère, que vous ayez eu ou non le temps de la prendre en horreur, songez qu’elle n’était que le revers de la miraculeuse médaille de votre existence : moins étincelante sans elle eût été la Nuit du Tournesol.


Moins étincelante puisqu’alors l’amour n’eût pas eu à braver tout ce qu’il bravait, puisqu’il n’eût pas eu, pour triompher, à compter en tout et pour tout sur lui-même. Peut-être était-ce d’une terrible imprudence mais c’était justement cette imprudence le plus beau joyau du coffret.

Au-delà de cette imprudence ne restait qu’à en commettre une plus grande : celle de vous faire naître, celle dont vous êtes le souffle parfumé. Il fallait qu’au moins de l’une à l’autre une corde magique fût tendue, tendue à se rompre au-dessus du précipice pour que la beauté allât vous cueillir comme une impossible fleur aérienne, en s’aidant de son seul balancier. Cette fleur, qu’un jour du moins il vous plaise de penser que vous l’êtes, que vous êtes née sans aucun contact avec le sol malheureusement non stérile de ce qu’on est convenu d’appeler « les intérêts humains ».

Vous êtes issue du seul miroitement de ce qui fut assez tard pour moi l’aboutissement de la poésie à laquelle je m’étais voué dans ma jeunesse, de la poésie que j’ai continué à servir, au mépris de tout ce qui n’est pas elle. Vous vous êtes trouvée là comme par enchantement, et si jamais vous démêlez trace de tristesse dans ces paroles que pour la première fois j’adresse à vous seule, dites-vous que cet enchantement continue et continuera à ne faire qu’un avec vous, qu’il est de force à surmonter en moi tous les déchirements du cœur.

Toujours et longtemps, les deux grands mots ennemis qui s’affrontent dès qu’il est question de l’amour, n’ont jamais échangé de plus aveuglants coups d’épée qu’aujourd’hui au-dessus de moi, dans un ciel tout entier comme vos yeux dont le blanc est encore si bleu. De ces mots, celui qui porte mes couleurs, même si son étoile faiblit à cette heure, même s’il doit perdre, c’est toujours. Toujours, comme dans les serments qu’exigent les jeunes filles. Toujours, comme sur le sable blanc du temps et par la grâce de cet instrument qui sert à le compter mais seulement jusqu’ici vous fascine et vous affame, réduit à un filet de lait sans fin fusant d’un sein de verre. Envers et contre tout j’aurai maintenu que ce toujours est la grande clé. Ce que j’ai aimé, que je l’aie gardé ou non, je l’aimerai toujours. Comme vous êtes appelée à souffrir aussi, je voulais en finissant ce livre vous expliquer. J’ai parlé d’un certain « point sublime » dans la montagne. Il ne fut jamais question de m’établir à demeure en ce point.


Il eût d’ailleurs, à partir de là, cessé d’être sublime et j’eusse, moi, cessé d’être un homme. Faute de pouvoir raisonnablement m’y fixer, je ne m’en suis du moins jamais écarté jusqu’à le perdre de vue, jusqu’à ne plus pouvoir le montrer. J’avais choisi d’être ce guide, je m’étais astreint en conséquence à ne pas démériter de la puissance qui, dans la direction de l’amour éternel, m’avait fait voir et accordé le privilège plus rare de faire voir. Je n’en ai jamais démérité, je n’ai jamais cessé de ne faire qu’un de la chair de l’être que j’aime et de la neige des cimes au soleil levant. De l’amour je n’ai voulu connaître que les heures de triomphe, dont je ferme ici le collier sur vous. Même la perle noire, la dernière, je suis sûr que vous comprendrez quelle faiblesse m’y attache, quel suprême espoir de conjuration j’ai mis en elle. Je ne nie pas que l’amour ait maille à partir avec la vie. Je dis qu’il doit vaincre et pour cela s’être élevé à une telle conscience poétique de lui-même que tout ce qu’il rencontre nécessairement d’hostile se fonde au foyer de sa propre gloire.

Du moins cela aura-t-il été en permanence mon grand espoir, auquel n’enlève rien l’incapacité où j’ai été quelquefois de me montrer à sa hauteur. S’il est jamais entré en composition avec un autre, je m’assure que celui-ci ne vous touche pas de moins près. Comme j’ai voulu que votre existence se connût cette raison d’être que je l’avais demandée à ce qui était pour moi, dans toute la force du terme, la beauté, dans toute la force du terme, l’amour – le nom que je vous donne en haut de cette lettre ne me rend pas seulement, sous sa forme anagrammatique, un compte charmant de votre aspect actuel puisque, bien après l’avoir inventé pour vous, je me suis aperçu que les mots qui le composent, page 66 de ce livre, m’avaient servi à caractériser l’aspect même qu’avait pris pour moi l’amour : ce doit être cela la ressemblance -j’ai voulu encore que tout ce que j’attends du devenir humain, tout ce qui, selon moi, vaut la peine de lutter pour tous et non pour un, cessât d’être une manière formelle de penser, quand elle serait la plus noble, pour se confronter à cette réalité en devenir vivant qui est vous.

Je veux dire que j’ai craint, à une époque de ma vie, d’être privé du contact nécessaire, du contact humain avec ce qui serait après moi. Après moi, cette idée continue à se perdre mais se retrouve merveilleusement dans un certain tournemain que vous avez comme (et pour moi pas comme) tous les petits enfants. J’ai tant admiré, du premier jour, votre main. Elle voltigeait, le frappant presque d’inanité, autour de tout ce que j’avais tenté d’édifier intellectuellement. Cette main, quelle chose insensée et que je plains ceux qui n’ont pas eu l’occasion d’en étoiler la plus belle page d’un livre ! Indigence, tout à coup, de la fleur. Il n’est que de considérer cette main pour penser que l’homme fait un état risible de ce qu’il croit savoir. Tout ce qu’il comprend d’elle est qu’elle est vraiment faite, en tous les sens, pour le mieux. Cette aspiration aveugle vers le mieux suffirait à justifier l’amour tel que je le conçois, l’amour absolu, comme seul principe de sélection physique et morale qui puisse répondre de la non-vanité du témoignage, du passage humains.

J’y songeais, non sans fièvre, en septembre 1936, seul avec vous dans ma fameuse maison inhabitable de sel gemme. J’y songeais dans l’intervalle des journaux qui relataient plus ou moins hypocritement les épisodes de la guerre civile en Espagne, des journaux derrière lesquels vous croyiez que je disparaissais pour jouer avec vous à cache-cache. Et c’était vrai aussi puisqu’à de telles minutes, l’inconscient et le conscient, sous votre forme et sous la mienne, existaient en pleine dualité tout près l’un de l’autre, se tenaient dans une ignorance totale l’une de l’autre et pourtant communiquaient à loisir par un seul fil tout-puissant qui était entre nous l’échange du regard. Certes ma vie alors ne tenait qu’à un fil. Grande était la tentation d’aller l’offrir à ceux qui, sans erreur possible et sans distinction de tendances, voulaient coûte que coûte en finir avec le vieil « ordre » fondé sur le culte de cette trinité abjecte : la famille, la patrie et la religion. Et pourtant vous me reteniez par ce fil qui est celui du bonheur, tel qu’il transparaît dans la trame du malheur même. J’aimais en vous tous les petits enfants des miliciens d’Espagne, pareils à ceux que j’avais vus courir nus dans les faubourgs de poivre de Santa Cruz de Tenerife. Puisse le sacrifice de tant de vies humaines en faire un jour des êtres heureux ! Et pourtant je ne me sentais pas le courage de vous exposer avec moi pour aider à ce que cela fût.

Qu’avant tout l’idée de famille rentre sous terre ! Si j’ai aimé en vous l’accomplissement de la nécessité naturelle, c’est dans la mesure exacte où en votre personne elle n’a fait qu’une avec ce qu’était pour moi la nécessité humaine, la nécessité logique et que la conciliation de ces deux nécessités m’est toujours apparue comme la seule merveille à portée de l’homme, comme la seule chance qu’il ait d’échapper de loin en loin à la méchanceté de sa condition. Vous êtes passée du non-être à l’être en vertu d’un de ces accords réalisés qui sont les seuls pour lesquels il m’a plu d’avoir une oreille. Vous étiez donnée comme possible, comme certaine au moment même où, dans l’amour le plus sûr de lui, un homme et une femme vous voulaient.


M’éloigner de vous ! Il m’importait trop, par exemple, de vous entendre un jour répondre en toute innocence à ces questions insidieuses que les grandes personnes posent aux enfants : « Avec quoi on pense, on souffre ? Comment on a su son nom, au soleil ? D’où ça vient la nuit ? » Comme si elles pouvaient le dire elles-mêmes ! Étant pour moi la créature humaine dans son authenticité parfaite, vous deviez contre toute vraisemblance me l’apprendre…
Je vous souhaite d’être follement aimée.


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A212
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MessageSujet: Lettre d’Alain Delon à Romy Schneider   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 26 Sep 2016, 08:56

Lettre d’Alain Delon à Romy Schneider


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A118



Je te dis adieu, le plus long des adieux.




Alain Delon et Romy Schneider se rencontrent en 1958, se fiancent un an plus tard et furent surtout les amants mythiques de La Piscine. Au-delà de leur séparation et du décès énigmatique de la belle Romy, l’estime et l’affection d’un des plus grands acteurs du cinéma français restent intacts : la preuve par cette lettre.







11 juin 1982


Je te regarde dormir. Je suis auprès de toi, à ton chevet. Tu es vêtue d’une longue tunique noire et rouge, brodée sur le corsage. Ce sont des fleurs, je crois, mais je ne les regarde pas. Je te dis adieu, le plus long des adieux, ma Puppelé. C’est comme ça que je t’appelais. Ça voulait dire « Petite poupée » en allemand. Je ne regarde pas les fleurs mais ton visage et je pense que tu es belle, et que jamais peut-être tu n’as été aussi belle. Je pense aussi que c’est la première fois de ma vie – et de la tienne – que je te vois sereine et apaisée. Comme tu es calme, comme tu es fine, comme tu es belle. On dirait qu’une main, doucement, a effacé sur ton visage toutes les crispations, toutes les angoisses du malheur.

Je te regarde dormir. On me dit que tu es morte. Je pense à toi, à moi, à nous. De quoi suis-je coupable ? On se pose cette question devant un être que l’on a aimé et que l’on aime toujours. Ce sentiment vous inonde, puis reflue et puis l’on se dit que l’on n’est pas coupable, non, mais responsable… Je le suis. À cause de moi, c’est à Paris que ton cœur, l’autre nuit, s’est arrêté de battre. A cause de moi parce que c’était il y a vingt-cinq ans et que j’avais été choisi pour être ton partenaire dans « Christine ». Tu arrivais de Vienne et j’attendais, à Paris, avec un bouquet de fleurs dans les bras que je ne savais comment tenir. Mais les producteurs du film m’avaient dit : « Lorsqu’elle descendra de la passerelle, vous vous avancerez vers elle et lui offrirez ces fleurs ». Je t’attendais avec mes fleurs, comme un imbécile, mêlé à une horde de photographes. Tu es descendue. Je me suis avancé.

Tu as dit à ta mère : « Qui est ce garçon ? ». Elle t’a répondu : « Ce doit être Alain Delon, ton partenaire… ». Et puis rien, pas de coup de foudre, non. Et puis, je suis allé à Vienne où l’on tournait le film. Et là, je suis tombé amoureux fou de toi. Et tu es tombée amoureuse de moi. Souvent, nous nous sommes posés l’un à l’autre cette question d’amoureux : « Qui est tombé amoureux le premier, toi ou moi ? ». Nous comptions : « Un, deux, trois ! » et nous répondions : « Ni toi, ni moi ! Ensemble ! ». Mon Dieu, comme nous étions jeunes, et comme nous avons été heureux. A la fin du film, je t’ai dit : « Viens vivre avec moi, en France » et déjà tu m’avais dit : « Je veux vivre près de toi, en France ». Tu te souviens, alors ? Ta famille, tes parents, furieux. Et toute l’Autriche, toute l’Allemagne qui me traitaient… d’usurpateur, de kidnappeur, qui m’accusaient d’enlever « l’Impératrice » !

Moi, un Français, qui ne parlais pas un mot d’allemand. Et toi, Puppelé, qui ne parlais pas un mot de français.

Nous nous sommes aimés sans mots, au début. Nous nous regardions et nous avions des rires. Puppelé… Et moi j’étais « Pépé ». Au bout de quelques mois, je ne parlais toujours pas l’allemand mais tu parlais français et si bien que nous avons joué au théâtre, en France. Visconti faisait la mise en scène. Il nous disait que nous nous ressemblions et que nous avions, entre les sourcils, le même V qui se fronçait, de colère, de peur de la vie et d’angoisse. Il appelait ça le « V de Rembrandt » parce que, disait-il, ce peintre avait ce « V » sur ses autoportraits. Je te regarde dormir. « Le V de Rembrandt » est effacé…

Tu n’as plus peur. Tu n’es plus effrayée. Tu n’es plus aux aguets. Tu n’es plus traquée. La chasse est finie et tu te reposes.


(Paris Match - N° 1724 - 11 juin 1982 ) - (Source image : The Austrian-born French actress Romy Schneider (Rosemarie Magdalena Albach-Retty) taking a break during the shooting of the film 'Ludwig'. Bad Ischl, 1973, Getty Image, © Wikimedia Commons / Alain Delon, a French actor, by Ivan Bessedin 2 december 2011, Flickr, © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Milan Kundera à Philippe Sollers   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 26 Sep 2016, 09:05

Lettre de Milan Kundera à Philippe Sollers



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A120



Le monde technocratisé dissimule sa froideur sous la démagogie du cœur.





Milan Kundera fait partie de ces écrivains dont la plume est un coupe souffle dès la première lecture pour l’oeil novice ou aguerri. Pour cause, l’écrivain tchèque, naturalisé français suite à la soviétisation de son pays natal, a vu son nom être acclamé plus d’une fois par l’ensemble de scène littéraire, apparaissant ainsi sur plusieurs des listes des auteurs susceptibles de remporter le Prix Nobel de la littérature.


Pourtant l’homme qui se cache derrière l’écrivain n’a pas toujours été en phase avec ceux qui gouvernent la gloire et dictent les normes à suivre. Dans cette lettre qu’il adresse à son ami et confrère Philippe Sollers, dont l’amitié fut scellée entre autre par leur travail commun dans la revue L’infini, l’auteur de L’Insoutenable Légèreté de l’être relève l’ironie de faire la part belle à la démagogie dans la vie comme dans l’Art.






[Sans date]


Cher Philippe,


Quand tu m’as dit que tu voulais consacrer un numéro de L’Infini à Voltaire, je n’ai pas hésité́ à te promettre d’y participer. Promesse irréfléchie et imprudente parce que je n’avais rien d’original à dire sur Voltaire.

 La faute en est à ton texte sur Fragonard. Je l’avais lu, quelque temps auparavant, avec une telle adhésion qu’en t’écoutant parler de Voltaire, j’ai pensé́ en fait à Fragonard, de même qu’ayant lu ton Fragonard j’avais pensé́ à Crébillon et à Duclos et à Sterne, et en pensant à Sterne, j’avais pensé́ à son grand maitre Rabelais, et en pensant à Rabelais, j’avais pensé́ à son admirable contemporain, à Janequin et, avec lui, enfin, à l’idée qui, de plus en plus, me hante, à savoir : à mes yeux, l’histoire de la musique européenne s’est déroulée en deux mi-temps ; au milieu de son évolution millénaire, entre l’Art de la fugue de Bach et les premières symphonies de Haydn, il y a une césure : un changement d’esthétique d’autant plus traumatisant qu’il a été́ suivi d’un oubli, ou plutôt d’un refoulement de toute la première mi-temps. Je n’aime pas faire des parallèles faciles entre les différents arts, pourtant l’histoire du roman me semble connaitre une pareille évolution en deux mi-temps, même si la césure est située dans un autre moment historique, quelque part entre Sterne et Laclos d’un côté, Scott et Balzac de l’autre. 

Ce changement a été́ suivi du même oubli, du même refoulement de l’esthétique précédente.


Dans les années cinquante, on demande à Stravinski ce qui l’occupe le plus à l’heure actuelle. Et lui de répondre : « Guillaume de Machaut, Heinrich Isaac, Dufay, Pérotin et Webern. » Réponse étrange, remarquablement révélatrice et qui vise le problème dont je parle : les principes oubliés de la musique de la première mi-temps.

 La phrase de Stravinski n’annonce aucun retour, aucune nouvelle mode « rétro », aucun néo-gothique, aucune néo-Renaissance ! Il s’agit de quelque chose de plus profond et de plus constant : de la volonté́ de guérir la musique de son traumatisme qu’était l’oubli de la première mi-temps et de penser autrement la notion même de musique européenne (notion basée alors presque exclusivement sur les principes classiques et romantiques). Si, à côté de compositeurs du XVe, du XIVe, du XIIe siècles, Stravinski mentionne le nom de Webern c’est que l’œuvre de celui-ci est une réponse à la trahison de la première mi-temps, une sorte de « transvaluation » des valeurs de toute l’histoire de la musique, une réhabilitation de ses possibilités oubliées.


Pendant toute sa vie, Stravinski a refusé́ de voir dans la faculté́ expressive, émotive, le sens et la valeur de la musique. Puisque nous sommes toujours trop déterminés par nos atavismes romantiques, cette attitude nous parait absurde, voire incompréhensible : qu’est-ce que la musique, après tout, sinon une machine à émouvoir ? 

Même parmi les admirateurs de Stravinski, il y en a qui trouvent bon de protéger son art contre sa position esthétique. Prisonniers de la deuxième mi-temps, ils ne voient la profondeur que dans le sérieux du sentiment et ne peuvent aimer Stravinski, Bach, Janequin sauf en les interprétant de cette sorte. Ils veulent ignorer que le principe structurel de l’Art de la fugue (comme d’ailleurs celui de Tristram Shandy) est le jeu. « Il est temps de faire de Fragonard un peintre profond. » Ajoutons : il est temps de comprendre la profondeur du jeu.
Tu vois, ce n’est pas seulement à Fragonard que j’ai pensé́ quand tu m’as parlé́ de Voltaire, mais aussi à Stravinski. Et à l’Amérique de Kafka. Et à Perdydurke de Gombrowicz. J’accorderais à ces romans à peu près la même place que Stravinski a prêtée à l’œuvre de Webern. La notion même de roman (communément et spontanément fondée sur les principes de la deuxième mi-temps) s’y trouve transformée et le principe ludique, depuis longtemps trahi, ressuscité. Rien n’est sérieux dans ces romans, lesquels nous ont fait voir la profondeur insondable du non-sérieux. Mais assez. Ce sont là des affirmations trop fragmentaires, trop schématiques, qui ne doivent qu’expliquer l’imprudence que j’ai eue de t’avoir promis d’écrire sur un auteur dont je n’ai rien à dire. Sauf ceci, peut-être : le discours prédominant de nos jours n’a rien de voltairien ; le monde technocratisé dissimule sa froideur sous la démagogie du cœur. Nous sommes loin de Fragonard, loin de Sterne, loin de Stravinski et nous n’y changerons pas grand-chose.

 Il ne nous reste, de temps en temps, qu’à leur faire signe.













(L’Infini n° 25, Printemps 1989, entièrement consacré à Voltaire.) - (Source image : Milan Kundera en 1980 par Elisa Cabot © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Francis Scott Fitzgerald et Zelda Fitzgerald   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 26 Sep 2016, 11:54

Lettre de Francis Scott Fitzgerald et Zelda Fitzgerald




Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A119



Nous n'avons pas été heureux rien qu'une fois, nous avons été heureux mille fois.




Après les années folles de ce couple légendaire à Paris, l’incarnation du rêve américain, les premiers déboires apparaissent. Les succès littéraires de son époux relèguent Zelda au second plan, et toutes ses tentatives pour atteindre la célébrité, notamment comme danseuse, s’avèrent vaines. 
Sombrant alors lentement dans la schizophrénie, elle perd la tête dans des hôpitaux psychiatriques. Son mari essaie alors de l’aider à surmonter ses troubles.




26 avril 1934

Pardonne-moi de dicter cette lettre au lieu de l’écrire directement, mais si tu voyais mon bureau en ce moment et la quantité de choses qui sont arrivées tu comprendrais.

La chose que tu dois combattre est le défaitisme sous toutes ses formes. Tu n’as rien qui le justifie. Tu n’as jamais eu vraiment un tempérament mélancolique mais, comme l’a dit ta mère : on t’a toujours connue pour ton attitude rayonnante, gaie, tout-ouverte sur la vie. Spécialement, je veux dire que tu ne partages d’aucune façon le point de vue mélancolique qui semble avoir été le lot d’Anthony et de Marjorie. Toi et moi avons connu des jours merveilleux dans le passé et l’avenir est encore radieux de possibilités si tu conserves bon moral et que tu essaies de voir ainsi les choses. Le monde autour de nous, la situation politique, etc., est encore désolant et cela ne manque pas d’affecter directement un chacun, et indirectement cela t’atteindra inévitablement mais essaie d’y échapper par quelque procédé d’hygiène mentale — au besoin, de ton invention.

Laisse-moi répéter que je ne veux pas que tu te soucies tant de mon livre, qui est un ouvrage mélancolique et qui semble avoir hanté la plupart des critiques. Je suis très inquiet que tu sois en train de le relire. Il représente des phases de l’existence qui maintenant sont finies. Assurément nous sommes portés par une vague ascendante, même si nous ignorons encore exactement où elle se dirige.

Il n’y a aucun sentiment de tristesse de ta part qui ait la moindre légitimité. Tes tableaux ont eu du succès, ta santé est bien meilleure, au dire des médecins — et le seul élément de tristesse est de vivre sans toi, sans entendre les notes de ta voix avec ses inflexions intimes particulières.

Toi et moi avons été heureux ; nous n’avons pas été heureux rien qu’une fois, nous avons été heureux mille fois. La chance que le printemps, qui est pour tout le monde, comme dans les chansons, peut-être nôtre aussi — cette chance est assez brillante en ce moment parce que comme d’habitude, je peux tenir la plupart de l’opinion littéraire contemporaine, liquéfiée dans le creux de ma main — et ce faisant, j’y vois voguer un cygne et — il apparaît que c’est toi et toi seule. Mais, Cygne, vogue doucement car tu es cygne, car par la ligne exquise de ton col les dieux t’ont imparti une faveur spéciale, et même si tu l’as fracturé en heurtant un pont de main d’homme, la blessure est guérie et tu as repris ta course.

Oublie le passé — ce que tu peux en oublier, et tourne-toi pour t’en revenir vers moi, vers ce havre qui est tien à jamais — même si, parfois, il peut sembler un antre ténébreux qu’éclairent des torches furieuses ; c’est pour toi le meilleur refuge — tourne-toi doucement dans les flots où tu vogues et reviens.

Cela semble une allégorie mais c’est très réel. Je veux que tu sois ici — La tristesse du passé ne me quitte jamais. Les choses que nous avons faites ensemble et les déchirures qui dans le passé ont fait de nous les survivants brisés d’une guerre demeurent comme une espèce d’atmosphère alentour de chaque maison où j’habite. Les bonnes choses et les premières années tous les deux, et les bons mois passés il y a deux ans à Montgomery ne me quitteront jamais, et tu devrais sentir comme moi qu’ils peuvent se renouveler, sinon dans un nouveau printemps, alors dans un nouvel été. Je t’aime ma chérie, chérie.

Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A220
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MessageSujet: Lettre ouverte de Kirk Douglas à propos de Trump   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 29 Sep 2016, 17:43

Lettre ouverte de Kirk Douglas à propos de Trump


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A121


La décision de rester libres est entre nos mains.




Kirk Douglas, véritable mythe du septième art fut l’un des premiers à porter ce qu’on pourrait nommer la « quadruple casquette » : celle de l’acteur, du producteur, du réalisateur et enfin de l’écrivain.


Cette année, celui qui sut incarnerSpartacus comme personne va souffler ses cent bougies. Nous disons souvent que le temps apporte la sagesse et il semblerait que cette étape vers la sagesse ultime lui ait donné la force de s’exprimer sur les différents débats qui animent la scène politique américaine actuelle à presque un mois des élections présidentielles.


En un siècle, le cinéaste a connu deux guerres mondiales et une arrivée aux Etats-Unis qui n’était pas bien vue aux yeux de tous, et notamment des « bien pensants ».


Au travers de ces quelques mots, de son histoire, Kirk Douglas revient sur l’importance de la tolérance, de l’écoute de soi et des autres et surtout du respect mutuel nécessaire à toute démocratie.





19 septembre 2016


Je suis dans ma centième année. Quand je suis né en 1916 à Amsterdam, New York, Woodrow Wilson était notre président.


Mes parents, qui ne savaient ni parler ni écrire l’anglais, étaient des émigrés de Russie. Ils faisaient partie d’une vague de plus de deux millions de juifs qui ont fui les pogroms meurtriers du tsar au début du 20e siècle. Ils étaient à la recherche d’une meilleure vie pour leur famille dans un pays magique où, croyaient-ils, les rues étaient littéralement pavées d’or.


Ce qu’ils n’avaient pas réalisé avant d’arriver étaient que ces belles paroles gravées sur la Statue de la Liberté dans le Port de New York ‘Envoyez-moi vos fatigués, vos pauvres, Envoyez-moi vos cohortes qui aspirent à vivre libres’ ne s’appliquaient pas de la même manière à tous les Américains. Les Russes, les Polonais, les Italiens, les Irlandais, et particulièrement les catholiques et les juifs, ont été traités comme des extra-terrestres, des étrangers qui ne deviendraient jamais de ‘vrais Américains’.
On dit qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Depuis que je suis né, notre planète a voyagé autour de lui une centaine de fois. Avec chaque orbite, j’ai regardé notre pays et notre monde évoluer de manières qui auraient été inimaginables pour mes parents, et qui continuent de m’épater année après année.


Au cours de ma vie, les femmes américaines ont obtenu le droit de vote, et une d’entre elles est finalement candidate d’un parti politique majeur. Un Irlandais-américain catholique est devenu président. Peut-être encore plus incroyable, un Afro-américain est notre président aujourd’hui.


Plus j’ai vécu, moins j’ai été surpris par l’aspect inévitable du changement et je me suis réjoui qu’un tel nombre des changements que j’ai vus aient été positifs.

Mais j’ai aussi traversé les horreurs d’une Grande Dépression et deux guerres mondiales ; la seconde ayant été provoquée par un homme qui promettait de rendre à son pays sa grandeur d’antan. J’avais 16 ans quand cet homme est arrivé au pouvoir en 1933. Pendant près d’une décennie avant son ascension, il était raillé, on ne le prenait pas au sérieux. Il était vu comme un bouffon qui ne pouvait pas réussir à duper un peuple éduqué et civilisé avec sa rhétorique nationaliste et haineuse.
Les ‘experts’ le ne prenaient pas en considération, comme s’il était une blague. Ils avaient tort.

Il y a quelques semaines, nous avons entendu les mots prononcés en Arizona ; des mots que ma femme, Anne, qui a grandi en Allemagne, a trouvés glaçants. Ils auraient pu être prononcés en 1933 : « Nous devons aussi être honnêtes sur le fait que toutes les personnes qui cherchent à rejoindre notre pays ne seront pas capables de s’assimiler correctement. Il est de notre droit, en tant que nation souveraine, de choisir les immigrants que nous pensons être les plus à même de prospérer et s’épanouir ici… Ce qui inclut de nouveaux tests de filtrage pour tous les candidats à l’immigration comportant une certification idéologique pour nous assurer que ceux que nous acceptons dans notre pays partagent nos valeurs… »
Ce ne sont pas les valeurs pour lesquelles nous avons combattu lors de la Seconde Guerre Mondiale.

Jusqu’à ce jour, je croyais avoir tout vu sous le soleil. Mais je n’avais jamais été témoin de cette stratégie de la peur de la part d’un candidat majeur à la Présidentielle américaine de toute ma vie.
J’ai vécu une longue et belle vie. Je ne serai pas ici pour en voir les conséquences si ce mal prend racine dans notre pays. Mais vos enfants et les miens seront là. Et leurs enfants. Et les enfants de leurs enfants.
Nous aspirons tous à rester libres. C’est pour cela que nous nous battons en tant que pays. J’ai toujours été profondément fier d’être un Américain. Pour les jours qui me restent à venir, je prie pour que cela ne change jamais. Dans la démocratie qui est la nôtre, la décision de rester libres est entre nos mains.

Mon centième anniversaire tombe pile un mois après la prochaine élection présidentielle. J’aimerais le célébrer en soufflant les bougies de mon gâteau puis en sifflant ‘Happy Days Are Here Again.’
Comme ma regrettée amie Lauren Bacall a dit un jour : ‘Tu sais siffler, n’est-ce pas ? Tout ce qu’il faut, c’est joindre les lèvres et souffler’.





( http://bit.ly/2doqGuP ) - (Source image : Publicity photo of Kirk Douglas, Unknwon author, [1955] © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre d’Emile Zola à Jean-Baptistin Baille   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 03 Oct 2016, 19:16

Lettre d’Emile Zola à Jean-Baptistin Baille



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A122



Veuille le ciel que je reste toujours fou.



Emile Zola, disparu ce même jour en 1902, écrivain majeur de la littérature française avec sa fresque des Rougon-Macquart et des œuvres magistrales tels que L’assomoir ou Germinal, va marquer son époque par son engagement et son talent. Il défendra le Colonel Dreyfus en publiant un article historique en 1898 dans l’ Aurore : « J’accuse ».


Plus qu’un homme engagé, l’auteur de La bête humaine est un idéaliste et le prouve au travers de cette lettre destinée à son ami Jean-Baptiste Baille.



10 février 1861

Mon cher ami,

[…]


Tu me parles justement de l’idéal et de la réalité, et tu me proposes de recommencer notre ancienne discussion sur ce sujet, seulement en changeant les positions, toi devenant l’idéaliste et moi le réaliste. Une telle idée ne saurait me plaire ; j’ai écrit selon ma façon de voir et, si je m’examine, je ne trouve aucun changement dans ma pensée. Je me mentirais à moi-même si je t’adressais à cette heure les lettres que tu m’as adressées anciennement. Je ne puis devenir réaliste dans le sens que tu donnais à ce mot et, me faisant une loi des nécessités matérielles, étouffer tous les nobles élans de la créature. Mais comme je ne cessais de te le répéter, je me suis souvent heurté à la réalité ; je la connais et, si tu le désires, je puis te la montrer, quitte à te parler ensuite du ciel et à te découvrir une établie dans chaque bourbier que je sonderai.


Ce qui m’irritait profondément autrefois était cette persistance de ta part à ne pas vouloir comprendre ma philosophie. J’avais beau te crier : « La réalité est triste, la réalité est hideuse ; voilons-là donc sous des fleurs ; n’ayons de commerce avec elle qu’autant que notre misérable humanité l’exige ; mangeons, buvons, satisfaisons tous nos appétits brutaux, mais que l’âme ait sa part, que le rêve embellisse nos heures de loisir. » Tu me répondais invariablement que je me perdais aux nues, que je ne voyais pas ce qui m’aveuglait.

Ne pas voir, bon Dieu ! Je détourne les yeux du fumier pour les porter sur les roses, non pas je nie l’utilité du fumier qui fait éclore mes belles fleurs, mais parce que je préfère les roses, si peu utiles pourtant. Tel je me montre à l’égard de la réalité et de l’idéal. J’accepte l’une comme nécessaire, je m’y soumets selon la nature ; mais dès que je puis m’échapper dans cette ornière commune, je cours à l’autre et je m’égare dans mes prairies bien-aimées.
[…]

Parmi les réalités navrantes qui viennent assombrir notre jeunesse, il en est une contre laquelle se brise chaque cœur généreux, la désillusion de l’amour.

A seize ans, nous faisons de beaux rêves ; notre sang bout dans nos veines, et nous brûlons de les réaliser. Aussi nous jetons-nous en aveugle à la poursuite de notre chimère ; la première femme rencontrée est celle que nous cherchons ; notre poésie nous la montre telle que nous l’avons rêvée, et, en fous que nous sommes, nous plaçons en elle tout un avenir de bonheur ! Hélas ! ce beau ciel ne tarde pas à s’obscurcir ; un jour nous avouons avec angoisse que nous nous sommes trompés. Mais nous somme jeunes encore ; nous poursuivons de nouveau notre idéal, nous aimons de nouvelles maîtresses, et ce n’est que lorsque nous avons parcouru tous les rangs, depuis la fille publique jusqu’à la vierge, que brisées nous déclarons que l’amour n’existe pas. C’est là ce que les vieux appellent l’expérience, c’est là ce qu’ils regardent comme une qualité et nous jettent à la face pour dominer.

Veuille le ciel que je reste toujours fou à ce prix et que, vieillard, j’aie encore toutes ces illusions qui nous font traiter d’écervelés ! Il est, il me semble, une question que le jeune homme devrait se poser avant tout, question, il est vrai, qui n’empêcherait pas son rêve de s’évanouir, mais au moins qui pourrait le guider et le faire agir en connaissance de cause.
Cette question est celle-ci : Dans quelle sorte de femmes vais-je choisir mon amante ? Sera-ce une fille de joie, une veuve, une vierge ? – Tu me demandais de la réalité ; le sujet vient de lui-même et je ne puis le refuser. Fouillons donc la fange, mon ami, et montrons la presque impossibilité de rencontrer celle que nous cherchons.

[…]
Je te serre la main. Ton ami.


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A223



(Emile Zola, Correspondance, Flammarion) - (Source image : Emile Zola photographié par Nadar en 1898 © Wikimedia Commons)
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MessageSujet: Lettre de Jack Kerouac à Allen Ginsberg   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 04 Oct 2016, 12:52

Lettre de Jack Kerouac à Allen Ginsberg



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A1118



Si tout le monde dans le monde prenait de la mescaline, il régnerait une paix éternelle.







Qui de mieux que les deux mentors de la Beat Generation pour nous parler trips psychédéliques ? Ici Jack Kerouac (12 mars 1922 – 21 octobre 1969) parle à son compagnon de crime de son rite initiatique avec la mescaline…





19 octobre 1959

Cher Allen —

Oui, mais la mescaline n’est pas seulement « charmant » parce que pendant les 2 heures où elle fait vraiment son effet c’est aussi fort qu’une prise d’un gros peyotl à quatre têtes — sinon plus, à cause des compensations chimiques en laboratoire pour éliminer l’envie de vomir inutile — même si cet effet-là était très présent — Vision finale étrange, finalement étrange qu’elle se soit produite au moment même du « final » de Gregory — ou Finale — Je ne suis plus triste pour la tristesse de la scène de naissance-et-mort parce que tout ce que j’avais deviné à propos de la vérité de Prajna Paramita Vajra Chedika (la splendeur de diamant de l’idéal de sagesse) a été VU pas simplement deviné ou su — Je ne cessais de dire : « Arrête de penser, contente-toi de regarder » et j’ai eu mes premières visitations et apparitions transcendantales samapatti à grande échelle —Ô ce monde est Une fleur une nouvelle Fleur tu as raison en effet, mais je me savais sans l’avoir jamais vu — quel fantôme ondulant c’était — en fait je vais prendre de la mescaline une fois par mois et je suis impatient d’essayer ensuite de l’acide lysurgique [sic] —

Je serai à N.Y. ce samedi 24 oct. Chez Lois et Barbara et parmi mes objets j’ai l’intention d’aller chez toi et d’écrire une grande lettre à Neal à qui j’ai eu peur d’écrire avant d’apprendre la bonne nouvelle de sa libération conditionnelle — peur de SIGNIFIER — langage de prison — les grandes lettres enthousiastes ou condescendantes ou bienveillantes ou malveillantes signifient de toute façon — mais maintenant qu’il sort de ce pétrin ça va et je suis prêt à lui écrire une grande lettre et lui proposer un bon boulot chez Avon même si je sais qu’il va retourner dans les chemins de fer — béni soit son cœur — Et ô mon garçon ce mescal qui redonne la santé, si tout le monde dans le monde prenait de la mescaline ne serait-ce qu’une fois il régnerait une paix éternelle — J’ai tremblé, j’ai frissonné, j’ai vu la terre s’ouvrir au milieu des éclairs de lumière et puis j’ai vu les danseurs assemblés dans le Ciel et toi tout là-haut un des saints les plus élevés… qui que ce « Toi » — et donc… j’ai écrit un RAPPORT SUR LA MESCALINE de 5000 mots et je vais le taper et l’apporter pour que tu lises sam. Ou dim. Quand tu viendras chez Lois ¬ — Allen, s’il te plait appelle Tom Payne chez Avon et demande-lui le numéro de Lois pour pouvoir m’appeler et que nous puissions nous retrouver là ou ailleurs pour discuter de ma vision — et pour que je te donne ce rapport de cinq mille mots —

Le plus miraculeux de tout c’était la révélation sensationnelle que j’étais sur la bonne voie et que la poésie spontanée sans retouche du rapport immédiat, et Vieil Ange de Minuit tout particulièrement, ouvre un nouveau monde de connexions en littérature avec les espaces sans fin de l’Illusion Shakti Maya Kali…

Hauts dans le Ciel

Les Pères Envoient des Messages

D’En Haut

J’oublie comment c’était exactement, le vers de Blake, mais je te le dirai… si vous aviez été ici le jour de ma mescaline, j’aurais passé 2 jours et 2 nuits à tout vous expliquer à vous deux vétérans mystiques. Allen et Peter.

Jack.


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A225
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MessageSujet: Lettre de Marguerite Duras à Alain Resnais   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeJeu 06 Oct 2016, 11:49

Lettre de Marguerite Duras à Alain Resnais



Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A124




Donc, plus de films ensemble. Tant pis. On écrira.




Après le triomphe du film d’Alain Resnais, « Hiroshima mon amour » (1959), sur un scénario de Marguerite Duras, l’écrivaine lui propose un texte d’avant-garde pour en faire un nouveau film : « La Destruction capitale » (qui deviendra plus tard « Détruire dit-elle », sorti en décembre 1969 et réalisé par Duras elle-même).


Si Resnais ne donne pas vraiment suite, Duras défend avec acharnement sa recherche d’une écriture cinématographique neuve.


Cette lettre de rupture est aussi une profession de foi artistique et un point final à leur aventure cinématographique.




29 janvier 1969

Cher Alain, bon, ça veut dire qu’on ne fera plus rien ensemble.

J’aurais bien aimé que vous sortiez du rapport passionnel à mon égard, cette fois. Vous refusez encore. Vous avez à la fois envie et horreur de cette idée : retravailler avec moi une deuxième fois. Et risquer de faire un chef d’œuvre. Autrement dit, si la Destruction capitale était anonyme, vous l’auriez faite. Depuis des années nos rapports sont faussés parce que je n’aime pas les histoires que vous tournez. Vous ne me le pardonnez pas. Et ce refus, j’ai peut-être tort, mais je le vois comme une sanction de mon refus à moi. Par ailleurs, mais par ailleurs seulement […] je représente ce que toute une partie de vous refuse : l’incohérence, l’indiscrétion, l’orgueil, la vanité, l’engagement politique naïf, la violence désordonnée, le refus catégorique, le manque de ménagements, la méchanceté. Je pourrais ne pas m’arrêter.

Avec tout ce bordel que je trimballe, je fais des livres. Je fais La Destruction capitale. Ça sort en ligne droite de moi. Vous devez refuser si vous n’oubliez pas qui je suis. Et l’horrible logique est respectée. Je vous écris en somme pour vous expliquer votre refus. Il est, pour les autres, incompréhensible. Pas pour moi. Si vous aviez accepté ça, vous auriez accepté de reconnaître que je n’ai peut-être pas tout à fait tort quand je vous dis que les histoires que vous tournez ne sont pas tout à fait nécessaires, qu’elles sont marginales, sinon pauvres. Et qu’en les choisissant vous vous coupez d’une partie des intellectuels pour gagner une couche plus large, certes, mais moins décisive, de gens cultivés (je m’excuse : l’intellectuel pour moi c’est celui qui remet en question, et le cultivé c’est celui qui ne le fait jamais). Toutes les raisons que vous me donniez ce matin étaient gentilles, elles procédaient de votre humilité (narcissique au dernier degré !) et de votre prudence ; Elles étaient fausses. Vous m’auriez dit : « Non, avec vous, non », ça aurait été mieux. Et je n’aurais pas éprouvé le besoin de faire cette lettre. Vous m’auriez dit « Il y a quelque chose encore que je ne vous pardonne pas », nous aurions enfin débouché dans l’espace de l’intelligence commune. Mais vous en êtes passé par votre processus habituel. Tant pis. Tant pis si cette lettre, vous ne me la pardonnez pas. C’est moins grave, pour moi, de l’écrire, c’est moins grave, oui, que, pour vous, de refuser La Destruction capitale.

Qu’allez-vous faire ? Les films d’aventure ou les films comiques ne se trouvent pas quand on les cherche. Rien ne se trouve quand on le cherche. Hiroshima, le script, c’est l’impossibilité de trouver une histoire que vous cherchiez. C’est pour ça que c’est bien. Rien n’est plus au présent. Je veux dire : ce qui est vécu actuellement par tous, et c’est la première fois du monde, est en partie nul et non avenu eu égard à ce qui pourrait se passer demain. […] La relation humaine dans La Destruction, même si la délicatesse en est choquée, c’est la négation absolue de la relation humaine telle qu’elle existe.

C’est un aperçu des voies qu’elle pourrait prendre demain. […] Je vous aurai prévenu de la faute capitale que vous faites en refusant La Destruction capitale pour des raisons personnelles. Par là j’entends votre peur de la rater. Qu’est-ce que ça veut dire votre peur ? C’est rien. Ça ne compte pas dans une perspective de ratage et de réussite, dépassé (démodé pour parler commerce). Ça ne compte pas dans la perspective inconditionnellement libre de chacun, dangereuse : le refus. Votre peur entérine les valeurs que vous refusez. Vous croyez que Régy n’a pas peur ? Bien sûr que si. Encore plus que pour Pinter qui choquait plutôt qu’il ne violait d’ailleurs. Vous croyez que je n’ai pas peur ? Je m’en fous. Ce n’est pas moi seule qui ait écrit le texte. Qui ait inventé ces juifs, ce parc, cette indélicatesse fondamentale, cette impudeur. On ne fait jamais seul quelque chose. Ne le croyez pas. C’est fini l’insanité romantique du solitaire échevelé qui attend l’inspiration du ciel. TERMINÉ. Je suis libre devant ce texte, que j’ai fait, de dire qu’il est nouveau.

Parce que derrière ce texte qui en est passé par moi, il y a la société que je refuse. C’est le refus de cette société qui en est passé par moi. […] Vous n’avez pas ouvert la porte au texte parce qu’il était signé. Le « je ne comprends rien », pareil. C’est toujours dans les régions où je ne comprends plus rien que je vais. Est-ce que vous comprenez la mort ? Un oiseau ? Le rire ? Stein ? Alissa ? Donc, plus de films ensemble. Tant pis. On écrira. Le cinéma prend un retard fantastique sur le théâtre. L’argent peut-être. Ou la peur de rater, c’est-à-dire de perdre l’argent.


Je vous embrasse très tendrement. Marguerite


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A227
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MessageSujet: Lettre d’Antoine de Saint-Exupéry à une inconnue   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 10 Oct 2016, 19:17

Lettre d’Antoine de Saint-Exupéry à une inconnue


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A125



Mais si ça me plaît, à moi, d'oublier son oubli et de m'inventer un souvenir ?





Antoine de Saint-Exupéry (29 juin 1900 – 31 juillet 1944), auteur français emblématique, est le père créateur du célèbre personnage le Petit Prince, héros du roman éponyme.


Poète mais également rédacteur et aviateur, il meurt tragiquement pour son pays dans des circonstances plutôt douteuses. Dans son œuvre épistolaire Lettres à l’inconnue ,




Saint-Exupéry s’adresse directement à une ambulancière en faisant parler le Petit Prince de manière particulièrement onirique.





Je puis bien écrire encore puisque c’est ma dernière lettre. Mais j’écris couché et mes lignes s’en vont de travers, comme si j’avais bu : je n’ai bu qu’un peu de chagrin.
Ça m’ennuie que mon chagrin même soit abîmé. Ç’aurait été mélancolique si vous n’aviez pu venir. Mais pour tous, la vie est difficile. Je ne vous en aurais pas voulu. Je vous en ai voulu de me laisser attendre, et non de n’être pas venue. C’est le moins joli de mes souvenirs. Il ne fallait pas abîmer mes souvenirs.
Je voulais effacer ça. Il me fait un autre dernier souvenir. Voilà. Je me souviens d’avoir été berger. Je veillais seul. On dormait à côté de moi tout enroulée dans sa laine comme une brebis. Et je posais la main sur la toison de laine. Je veillais seul mon petit troupeau endormi.
Je posais la main sur le front têtu de la brebis. Ça la protégeait contre la vie. C’est difficile, la vie. Mais moi je connais bien les périls de mer. J’ai tant bourlingué dans le monde. J’ai tant eu soif, froid et peur. J’ai tant eu mal. Et puis aussi j’ai tant maraudé, j’ai tant sauté de murs, j’ai tant volé de fruits dans les vergers, je me suis tant promené avec l’amour sous les étoiles. Et j’étais ce soir-là comme un vieux capitaine plein d’expérience à bord d’un tout petit navire. Il fallait le conduire vers le jour… Il fallait lui faire, jusqu’au jour, douce la traversée de la nuit, comme de la mer.

Je disais au petit navire « vous êtes un bien joli petit navire, un brave petit navire aussi. Et je suis bien heureux d’avoir pu être, une fois, votre
Capitaine jusqu’au jour. »

Et je disais à la brebis, quand ça me plaisait mieux d’être berger, « vous êtes une bien jolie brebis, une brebis droite et courageuse. Et il est doux de poser la main sur votre laine. On a l’impression de bénir… »

Et puis quelquefois je rêvais que ce n’était ni une brebis, ni un petit navire. C’était une femme. Alors, j’imaginais que j’en étais responsable comme d’une maîtresse – jusqu’au jour. Alors je disais « dormez bien aimée… » Oh ! bien sûr ça ne voulait sans doute pas dire grand-chose sinon que j’ai tellement l’amour de l’amour. Je lui disais « dormez… » et aussitôt je la réveillais. C’est comme ça, l’amour.

Je lui disais « dormez… » et je la réveillais. Sans ça comment aurais-je pu l’endormir ? … Et quand je l’avais réveillée, oh je trichais ! Je pensais que l’on va aussi loin dans l’amour que dans le sommeil. Je voulais la faire voyager dans l’amour.
J’étais un peu le capitaine qu’emmène son navire là où il ne faut pas, dans les étoiles, j’étais un peu comme le berger qui mange sa brebis. J’étais un peu un cambrioleur du sommeil…
Voilà l’histoire que j’ai rêvée pour m’inventer un souvenir, un dernier souvenir qui vaille la peine. Je sais bien que ce n’est pas vrai. Je sais bien que ce n’est qu’un rêve sans aucun sens. Je sais bien que je n’ai le droit d’être ni berger d’une brebis, ni capitaine d’un navire, ni berger d’un navire, ni capitaine d’une brebis… mais si ça me plaît, à moi, d’oublier son oubli et de m’inventer un souvenir ?


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A232



(Antoine de Saint-Exupéry, Lettres à l'inconnue, Gallimard, 2008.) - (Source image : Antoine de Saint-Exupéry, may 1942, © Wikimedia Kommons)
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MessageSujet: Lettre de Jean Cocteau à Jean Marais   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeMar 11 Oct 2016, 13:01

Lettre de Jean Cocteau à Jean Marais


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A127




Je n'existe que par toi.





Jean Cocteau (5 juillet 1889 – 11 octobre 1963) est une des figures incontournables du XXème siècle : écrivain, dramaturge, cinéaste et dessinateur, il a profondément marqué son temps et côtoyé les plus grands. C’est en 1937 qu’il fit la connaissance de l’acteur Jean Marais, lors d’une audition pour sa pièce Œdipe-Roi , qui lancera sa carrière ; depuis cette rencontre, le jeune homme deviendra l’amant puis le grand ami de Cocteau, jusqu’à sa mort.


De cette amitié passionnée est née une correspondance pleine de tendresse et d’affection, dont voici un extrait.




Sans date

19, place de la Madeleine

Mon Jeannot,

Le beau dimanche approche. Même s’il pleut, ce sera un beau dimanche. Voilà le prodige de notre rêve et que les circonstances rendent si merveilleux. Je n’existe que par toi et par ces visites 

— je n’écoute plus la ville et son brouillard d’idées. Tout me semble clair et pur à cause de ton soleil et de ton espoir. C’est toi qui as raison. 

C’est ton étoile qui donne la chance et la joie. C’est le reste qui s’embrouille et trébuche dans les ténèbres.

Cela m’amuse de penser que tu t’accuses de bêtise ! 

Toi le sage. Toi le seul qui sache et qui vive au-dessus et au-dessous de la bêtise. Je me sens si lourd et si balourd à côté de toi. Sans ta légèreté, sans ta force, je serais une loque et je me laisserais prendre par l’ankylose. Mais je n’ai qu’à « voir » ta figure, tes mèches, ta casquette, tes bottes et 107 pour chasser le diable et retrouver le cortège des anges.


Mon Jeannot, je te bénis, je te remercie de m’aimer et de me transformer. Je t’embrasse du fond de l’âme.


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A233

(Jean Cocteau, Lettres à Jean Marais, Albin Michel.) - (Source image : Jean Cocteau, french, between 1909 and 1937, Agence de presse Meurisse, © Wikimedia kommons / Jean Marais, french actor Jean Marais in 1949, Carl Van vechten, Library of Congress, © Wikimedia Kommons.)
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MessageSujet: Lettre de Napoléon à Joséphine de Beauharnais   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 24 Oct 2016, 08:27

Lettre de Napoléon à Joséphine de Beauharnais


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A1179



Pourquoi m'avoir fait espérer un sentiment que tu n'éprouvais pas !!!




Le 15 août 1769, naissait le futur Empereur de France, Napoléon Bonaparte. Jeune général de brigade pendant la Révolution Française, il rencontre Joséphine de Beauharnais : commence alors une grande correspondance amoureuse. Le génie militaire, le despote que craignait toute l’Europe y apparaît sous un jour inconnu, tendre et sentimental, aussi hardi qu’absolu : Napoléon l’amoureux.




11 juin 1796

Joséphine, tu devais partir, le 5, de Paris ; tu devais partir, le 11 ; tu n’étais pas partie, le 12… Mon âme s’était ouverte à la joie ; elle est remplie de douleur. Tous les courriers arrivent sans m’apporter de tes lettres… Quand tu m’écris, le peu de mots, le style n’est jamais d’un sentiment profond. Tu m’as aimé par un léger caprice ; tu sens déjà combien il serait ridicule qu’il arrête ton cœur. Il me paraît que tu as fait ton choix et que tu sais à qui t’adresser pour me remplacer. Je te souhaite bonheur, si l’inconstance peut en obtenir ; je ne dis pas la perfidie…

Tu n’as jamais aimé… J’avais pressé mes opérations ; je te calculais, le 13, à Milan, et tu es encore à Paris. Je rentre dans mon âme ; j’étouffe un sentiment indigne de moi ; et si la gloire ne suffit pas à mon bonheur, elle fournit l’élément de la mort et de l’immortalité… Quant à toi, que mon souvenir ne te soit pas odieux. Mon malheur est de t’avoir peu connue ; le tien, de m’avoir jugé comme les hommes qui t’environnent. Mon cœur ne sentit jamais rien de médiocre… il s’était défendu de l’amour ; tu lui as inspiré une passion sans bornes, une ivresse qui le dégrade.
Ta pensée était dans mon âme avant celle de la nature entière ; ton caprice était pour moi une loi sacrée ; pouvoir te voir était mon souverain bonheur ; tu es belle, gracieuse ; ton âme douce et céleste se peint sur ta physionomie. J’adorais tout en toi ; plus naïve, plus jeune, je t’eusse aimée moins.

Tout me plaisait, jusqu’au souvenir de tes erreurs et de la scène affligeante qui précéda de quinze jours notre mariage ; la vertu était pour moi ce que tu faisais ; l’honneur, ce qui te plaisait ; la gloire n’avait d’attrait dans mon cœur que parce qu’elle t’était agréable et flattait ton amour-propre.

Ton portrait était toujours sur mon cœur ; jamais une pensée sans le voir et le couvrir de baisers. Toi, tu as laissé mon portrait six mois sans le retirer ; rien ne m’a échappé. Si je continuais, je t’aimerais seul, et de tous les rôles, c’est le seul que je ne puis adopter. Joséphine, tu eusses fait le bonheur d’un homme moins bizarre. Tu as fait mon malheur, je t’en préviens. Je le sentis lorsque mon âme s’engageait, lorsque la tienne gagnait journellement un empire sans bornes et asservissait tous mes sens. Cruelle !!! Pourquoi m’avoir fait espérer un sentiment que tu n’éprouvais pas !!!

Mais le reproche n’est pas digne de moi. Je n’ai jamais cru au bonheur. Tous les jours, la mort voltige autour de moi… La vie vaut-elle la peine de faire tant de bruit !!! Adieu, Joséphine, reste à Paris, ne m’écris plus, et respecte au moins mon asile. Mille poignards déchirent mon cœur ; ne les enfonce pas davantage. Adieu, mon bonheur, ma vie, tout ce qui existait pour moi sur la terre.

B…



(Lettres de Napoléon à Joséphine - Paris : Maximilien Vox, Brins de plumes, 1945.) - (Source image : The Empereur Napoléon in his study at the Tuileries, Jacques-Louis Davis, 1812, National Gallery of Art, © Wikimedia Kommons / Josephine en costume de sacre, par Baron François Gérard, 1807-1808, Musée national du château de Fontainebleau, © Wikimedia Kommons.)





Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A240
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MessageSujet: Lettre de Boris Vian à son percepteur   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitimeLun 24 Oct 2016, 16:39

Lettre de Boris Vian à son percepteur


Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 A1188



Je suis un grand feignant, mais j'y comprends rien dans tous ces bouts de papier impossibles.






En 1948, un policier rédige une note qui dénonce la distraction d’un contribuable français, un certain… Boris Vian. En effet, l’inoubliable auteur de L’Écume des jours et de J’irai cracher sur vos tombes, ayant négligé de payer ses impôts, aurait adressé les deux missives suivantes à son contrôleur des contributions.






1946

Mon cher percepteur,

Je m’aperçois avec une stupeur désarmante que, vu une terrible maladie qui m’a cloué au lit en temps utile, j’ai complètement oublié de faire ma déclaration d’impôt pour 1946.

Comme je suis foncièrement honnête et comme vous êtes un homme doux et affectueux, je vous prie donc de m’envoyer une feuille de déclaration car je n’en trouve plus maintenant.

Avec une grosse bise, je vous prie d’accepter d’avance, mes remerciements.
Ci-joint un timbre pour réponse.
***


Mon Cher Contrôleur,

Je suis un grand feignant, mais j’y comprends rien dans tous ces bouts de papier impossibles. Voilà ma déclaration, il y a un peu de retard ; mais je suis plein de bonnes intentions.

Encore mille excuses pour ce retard excusable et répandez mes bénédictions autour de vous.

Le policier qui a rédigé la note de police sur Boris Vian précise : « On affirme que ces deux lettres, dont la dernière était rédigée sur l’imprimé de déclaration de revenus, auraient coûté, du point de vue fiscal, très cher à leur auteur. »



( Bruno Fuligni, La Police des Écrivains, éd. Horay, 2006, via http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/2011/03/18/boris-vian-lettre-au-percepteur/ ) - (Source image : Creative Commons)
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MessageSujet: Re: Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré   Lettre de Sully Prudhomme à Henri Poincaré - Page 11 Icon_minitime

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