Nombre de messages : 16511 Date d'inscription : 07/10/2008
Sujet: Re: Fêtes des mères Dim 03 Juin 2012, 16:21
Les Origines de la Fête des Mères
Les grecs anciens fêtaient leur déesse Rhea au printemps, pour les romains, la fête des Matraliae (du latin Mater, mère) se situait en juin.
Puis au XVIème siècle les anglais ont instauré un dimanche de fête des mères.
La France tente de lutter contre sa "dépopulation" et organise des "Fêtes des enfants" mettant en avant les vertus de la famille et prônant l'importance de la fécondité.
Au début du XXème siècle ces manifestations connaissent des variantes : fêtes de la famille ou manifestations familiales à l'occasion de la fête nationale du 14 juillet, avec une forte contribution des enfants.
Mothers Day
Et c'est la grande guerre. Les américains qui avaient opté pour un vrai "Mothers Day" le deuxième dimanche de mai à la fin du XIXème siècle, la développent ardemment durant la première guerre mondiale, éloignement oblige.
Les français chargés du courrier constatent alors des envois massifs à cette date qui leur est mystérieuse. Et la France ayant encore plus besoin de se repeupler après la guerre 14-18, cette coutume bien implantée outre-atlantique de "Fête des Mères" va faire des émules.
Dans le même temps, en pleine guerre, la municipalité parisienne organise une "Fête des familles nombreuses" dans les locaux de la SNHF, Société nationale d'Horticulture de France. Suivie à Lyon d'une "Journée des mères" en 1918, puis d'une "Journée des mères de familles nombreuses" en 1919, fixé au 15 août, jour de l'Assomption de Marie, mère de Jésus.
De nombreuses manifestations se déroulèrent en province, mais l'institution n'était pas encore établie.
C'est en 1920, et en mai cette fois, que le projet aboutit, permettant aux "mères méritantes" de recevoir des fonds d'une collecte publique recueillis à leur intention, et la fameuse médaille d'or remise à une mère de treize enfants.
Une Fête Officielle
On en est loin aujourd'hui de la fête de la déesse Rhea. On reproche à la fête des mères d'être une occasion purement commerciale alors qu'au départ l'objetif n'avait rien de mercantile… Mais le succès avait cette fois été grand, et national. Le gouvernement d'alors décida d'instituer l'événement en "Journée des mères", qui sera officialisée en 1928.
Cette fête est régie par une loi depuis le 24 mai 1950, suivie deux ans plus tard par la Fête des pères. Elle est fixée au dernier dimanche de mai, sauf si celui si est le dimanche de Pentecôte. Dans ce cas assez exceptionnel, la Fête des mères est reportée au premier dimanche de juin.
Faï Tirà Peyroulienne
Nombre de messages : 16511 Date d'inscription : 07/10/2008
Sujet: Re: Fêtes des mères Dim 03 Juin 2012, 16:27
Dimanche 3 juin, c'est la fête des mères. L'occasion pour toutes les mamans de se fendre d'une petite larme à l'oeil en découvrant les cadeaux de leurs adorables bouts de choux.
Reste à savoir si la larme est de joie, d'émotion, ou au contraire de consternation et de rage.
Au vu des traditions en la matière, on peut s'interroger : fête des mères ou châtiment ?
Chères mamans,
Aujourd’hui, je suis partagée, à votre égard : oui, j’hésite entre une bienveillante empathie et une condescendance mesquine. Pourquoi ? Parce que MOI, je suis totalement comblée par le cadeau que j’ai reçu de mes enfants pour la fête des mères (un truc qui brille, avec des coeurs).
Oui, je sais, c’est méchant de ma part. D’autant que c’est totalement gratuit. Après tout, qu’est-ce que j'en sais, moi… Vous aussi, vous avez peut-être la chance d’avoir des enfants intelligents et qui ont bon goût. Même si franchement, ça m’étonnerait qu’ils arrivent à la cheville des miens. En toute objectivité bien sûr (et là j'ai une pensée attendrie pour les lecteurs et lectrices qui ont oublié de s'acheter un second degré).
À la base, cette chronique avait pour objectif de railler les enfants.
Parce qu’il faut bien reconnaître qu’en matière de cadeaux de fête des mères, les enfants, en plus d’avoir un goût de chiottes et la dextérité d’une limace neurasthénique, sont généralement coachés par des enseignant(e)s qui haïssent les mères.
Si si, les instits nous détestent. C’est une conviction forgée par des années d’expérience. Parce que je ne vois pas d’autre explication à cet acharnement dans la confection collective de cadeaux cauchemardesques.
Oh, ca va bien, hein. Je vous vois venir avec vos arguments plein de tendresse indulgente, opposant à mes sarcasmes la force symbolique du geste d’amour, l’image touchante de la petite main potelée qui tend la feuille un peu chiffonnée sur laquelle a été copié un poème niais entouré d’un dessin tout pourri, ou encore le regard brillant du bout de chou qui brandit la boîte à camembert tartinée de gouache pleine de grumeaux, ou le sempiternel collier de nouilles qui semble être devenu, plus qu’une institution, une véritable légende urbaine.
Alors je sais bien que tout cela est émouvant.
Et moi aussi j’ai eu les larmes aux yeux quand mes amours de rejetons m’ont offert ces successives mochetés sponsorisées par le dévouement de l’Éducation nationale.
Moi aussi j’ai écouté, le cœur serré de gratitude et de fierté, mes petites merveilles me réciter en zézayant des trucs genre "Pour toi ma zolie maman, la plus zentille du monde que z’aime".
Oui mais bon.
Ne me dites pas que passées ces minutes d’émotion, vous n’êtes pas super embarrassées par l’esthétisme du cadeau. Qu’il faut, diplomatie maternelle oblige, exhiber quelque part dans la maison. De préférence là où tout le monde peut le voir.
Alors qui a l’air le plus ridicule, hein ? Le gamin qui, 10 ans plus tard, se sentira obligé de plaisanter au sujet de ces horreurs qu’il a disséminées de la cave au grenier en passant hélas par le salon, ruinant à jamais tout espoir d’harmonie feng-shui dans la déco, ou vous les mères, déchirées entre votre bon goût et votre amour maternel, amour qui vous a conditionnées à croire que tout ce qui émanait du fruit de vos entrailles méritait admiration et petits cris d’extase ?
Soyons lucides.
Nous, les mères, sommes les innocentes victimes de cette célébration.
Et encore, nous pouvons nous estimer heureuses quand seuls les enfants se mettent en tête de nous faire des cadeaux. Au pire, nous aurons sur les bras un objet moche mais artisanal, et au mieux, une fois qu’ils sauront économiser leur argent de poche, ils se cotiseront pour nous offrir un truc super joli (vous narguerai-je encore avec ce ravissant bracelet que j’ai reçu ce matin ?).
Mais quand notre entourage adulte se met lui aussi en tête de dépenser du pognon pour la fête des mères, c’est bien pire. Sans rire, vous avez parcouru les rayons des hypermarchés récemment ? Vous avez vu ce qu’on prétend nous offrir pour la fête des mères ? Oui ? Alors vous aussi, vous avez eu l'impression d'être tombées dans une faille du continuum espace-temps, à vue de nez en 1953 ?
Car après une heure punitive à arpenter ces maudits rayons, aucun doute n'est plus possible : on nous prend vraiment pour des connes. Penser qu'en 2012 une femme n'a pour seul objectif que de se faire offrir, au choix, un grille-pain, une centrale-vapeur, un robot ménager hacheur-trancheur-mixeur-broyeur-centrifugeur, un sèche-cheveux ou un épilateur électrique, c'est vraiment pathétique.
Encore, si les promos spéciales "Fête des mères" proposaient un peu de tout y compris du ménager, ça passerait. Dans l'absolu, je n'ai rien contre l'idée de recevoir un truc pour cuisiner (j'aime bien cuisiner) ou pour m'épiler le maillot (je ne raffole pas de l'effet "touffe apparente" à la piscine). Mais ne proposer que cela, c'est un tantinet réducteur.
À tout prendre, je me dis qu'il vaut encore mieux passer pour des cruchasses attirées par les objets brillants ou l'idée de sentir bon (oui, le bijou et le parfum, ça se vend bien aussi en cette période) plutôt que pour des bonniches qui ne peuvent s'épanouir qu'en astiquant ou popotant.
Mais dans tous les cas, la fête des mères nous rappelle à notre Destin, celui de l'Éternel féminin :
La femme, une fois qu'elle s'est reproduite, aimera tout ce que son gamin lui offre parce que l'amour d'une mère sublime tout (ou du moins, il est suffisamment hypocrite pour flatter l'ego du gosse, histoire qu'une fois en thérapie à 23 ans, ce dernier la rende un peu moins responsable de ses traumas infantiles), ou se satisfera de collectionner fers à repasser, flacons de parfums, machines à gaufres et robots de cuisine.
Ce qui tend à prouver une chose consternante : ce qu'on offre aux femmes est destiné à être utilisé pour le bien-être de son entourage (la bouffe, le ménage, l'esthétisme).
Alors, chères mamans, heureuses ?
J'avoue que je suis tentée de vous demander ce que vous avez reçu. Mais je ne veux pas retourner le couteau dans la plaie.
Par Gaëlle-Marie Zimmermann Chroniqueuse sexo/société
Faï Tirà Peyroulienne
Nombre de messages : 16511 Date d'inscription : 07/10/2008
Sujet: Non, Vichy n'a pas inventé la fête des mères (mais presque) Dim 31 Mai 2015, 20:07
C'est à Lyon, le 16 juin 1918, que nait la première grande fête des mères. (Domaine public)
“La fête des mères, c’est un truc inventé par Pétain, non ?” Chaque année, comme le muguet, cette phrase fleurit dans les conversations. Les mauvais esprits, surtout adolescents, l’adorent. Le point d’interrogation est fréquent : on n’est jamais trop sûr, c’est ce qu’on raconte.
Il faut rétablir les faits concernant de cette fête annuellement décriée.
Non, Pétain n’a pas inventé la fête des mères : il l'a simplement remise en selle.
Oui, ses motivations premières, en France, n'étaient pas très glorieuses : il s'agissait de célébrer des ventres destinés à produire les futurs soldats.
C’est au début du XXe siècle qu’on commence à vraiment célébrer les mères, et particulièrement des mères de familles nombreuses. Il s’agissait alors de repeupler les pays décimés par les guerres.
Première fête des mères en 1908, en Virginie occidentale
Les Américains sont les pionniers de cette histoire. En 1908, une certaine Anna Jarvis, femme passionnée et quelque peu excentrique de Grafton, en Virginie occidentale, organise une fête dans son église méthodiste pour célébrer la mémoire de sa mère, morte trois ans plus tôt, et fêter toutes les autres mères.
Il faut dire que sa mère n’avait pas démérité, question maternité : Anna est la 10ème de treize frère et sœurs, dont 7 sont morts avant sa naissance, frappés par la rougeole, la diphtérie ou autre fièvre typhoïde... Sa mère, une institutrice, a consacré sa vie à aider les autres mères et leurs enfants face à ces diverses maladies. Pendant la guerre de sécession, elle a fondé les “Club de travail des mères” pour améliorer les conditions sanitaires dans les villes de Virginie occidentale.
Anna Jarvis, elle, travaille dans l’assurance, milieu alors peuplé d’hommes, et si elle n'a pas participé au mouvement des suffragettes, elle est sensible aux discours de l'époque contre la faible reconnaissance accordée aux femmes. Mais sa démarche est avant tout religieuse. Lors de la fête qu'elle organise, des œillets sont distribués, car sa mère les aimait : ils deviendront une part intégrante de la célébration de la fête des mères dans le monde entier.
Après sa fête, elle part en campagne pour que soit organisée une “journée des mères” nationale. Elle rencontre des hommes d’affaires, des politiciens, des journalistes. Au début, les sénateurs américains se moquent du projet. En 1908, ils repoussent un amendement au motif qu'une journée des mères risquerait de conduire à "une journée des sœurs et des cousines et des tantes".
Mais l'idée prend : la fête est instaurée dans de nombreux Etats américains, et s'exporte dans des pays étrangers (Canada, Chine, Japon, Belgique, Hollande…). En 1914, le Congrès américain décide finalement de faire du second dimanche de mai le “jour de la mère”, Mother’s Day ; le président Woodrow Wilson en fait une journée nationale, au cours de laquelle on lèvera le drapeau. A noter que vers la fin de sa vie, en 1948, Anna Jarvis, ulcérée par la tournure commerciale prise par la fête des mères, regrettera son "invention".
1918 , la "journée des mères" débarque en France
En France, la campagne d’Anna Jarvis trouve un écho, surtout après la guerre de 1914-1918. On commence à célébrer, dans certaines villes, une "journée des mères". Un mot sur le contexte : en ce début de XXe siècle, le débat sur la dépopulation de la France fait rage. Avant la guerre, déjà, des associations se sont mobilisées contre le malthusianisme, prônant une natalité plus forte afin de “fortifier la nation” face à l’Allemagne. C’est le cas notamment de l’Alliance nationale pour l’accroissement de la natalité, fondée par Jacques Bertillon en 1896, qui deviendra en 1916 la “Ligue pour la vie”.
Après la grande guerre, les rangs de ces "natalistes" sont renforcés par les “familiaux” : des organisations nées dans les milieux catholiques qui luttent contre tout ce qui nuit à la famille : prostitution, contraception, littérature licencieuse, avortement... “Les corps ne sont stériles que parce que les âmes sont infécondes” assène le "Congrès de la natalité" en 1919, qui réunit ces deux courants.
Armelle Canitrot, auteure d'un mémoire sur l'histoire de la fête des mères résume :
Les femmes, après avoir travaillé pendant la guerre, sont invitées à rentrer chez elles, à revenir sous la coupe des hommes, et faire des enfants".
Il faut fé-con-der. La “famille nombreuse”, nouvelle expression, est célébrée. La "médaille d’honneur de la famille française", créée par décret du 26 mai 1920 est distribuée par les préfets aux mères méritantes...
L'occurrence du mot "Famille nombreuse" (Ngram) L’apparition de la fête des mères, d'abord à Lyon, puis dans d'autres villes, s’inscrit donc dans un contexte à la fois patriotique, moraliste et religieux.
A Lyon, la première fête des mères
A Lyon, le 16 juin 1918, nait la première grande fête des mères. Il était initialement question d'une "journée des familles nombreuses”, courante à cette époque, mais l’un des organisateurs, le Colonel de Lacroix-Laval propose de s'inspirer des Américains et de la baptiser “journée des Mères”. Le débat s’ouvre au sein du comité d'organisation.
On convient de “l'importance morale et sociale” de la mère, “dans une société qui, pour se défendre contre un voisin rapace et sans scrupule, doit s’appuyer sur le nombre”. Le député du Rhône, Auguste Isaac, porte-voix du courant de défense de la famille et du natalisme, fait la synthèse : ce sera la “journée des mères de familles nombreuses”.
Le gouvernement cherche à la promouvoir. Un premier arrêté, en décembre 1920, instaure “la fête des mères de famille nombreuses”. Mais le démarrage est lent.
En mai 1926, dans le cadre d’une politique nataliste assumée, le gouvernement issu de la majorité du Cartel des gauches en fait la promotion : il prend l'initiative d'une fête à Paris, associant les églises et les écoles et se terminant par une fête à l’Arc de triomphe. L'année suivante, il cherche à rendre la fête obligatoire et envoie des circulaires aux préfets. La journée est officialisée en 1929 et on décide de la célébrer le dernier dimanche de mai. Dans le journal l’Illustration du 31 mai 1930 on peut ainsi lire :
La fête des mères a été instituée en France. On a célébré dimanche, dans toutes les villes de France, dans les bourgs et souvent dans les moindres villages, la charmante fête des mères françaises”.
La mère, icône de la Révolution nationale
Le Maréchal n’a donc pas inventé cette journée. En revanche, dès 1941, il en fait une célébration quasi-liturgique, la mère étant mise sur un piédestal.
Des affiches de propagande pour la fête des mères, sous Vichy
Elle est glorifiée par la propagande comme “l’âme de la famille”. Et tous les français sont poussés à célébrer sa "journée". Protectrice comme la patrie, féconde comme la terre (qui ne ment pas), gardienne des traditions et des vertus familiales, symbole du sacrifice, la mère devient une des figure centrale de la Révolution nationale. La féminité se résume à la maternité. Et jusqu’à sa chute, avec de plus en plus de faste, l’Etat Français va célèbrer la fête des mères.
Populaire, la fête des mères survit à la Libération. Il faut encore repeupler la France. Pour la première fois, un texte de loi, le 24 mai 1950 instaure la fête des mères. Seuls les communistes votent contre. Non pas parce que cette journée rappellerait Vichy, mais parce qu'une si noble fête n'est pas digne d'être portée par un gouvernement dont la politique est "diamétralement opposée au bonheur des familles". C'est la députée Geneviève Roca qui se charge de porter la charge au nom du PCF :
A ce gouvernement qui affame les enfants pour préparer la troisième guerre mondiale, qui fait tuer les fils et emprisonne les mères, les femmes dénient le droit de fêter la fête des mères. Leur lutte, qu'elles continuent avec acharnement, amènera un autre gouvernement qui se penchera sur le sort de l'enfance, sur le bien-être des familles, un gouvernement qui consolidera la paix. Alors, avec un tel gouvernement, nous pourrons célébrer dans la joie et le bonheur la fête des mères." La suite est connue : le commerce s'empare de la fête. La super-cocotte Seb, le parfum Jean Patou, le fer BabyLiss, Interflora... Une marque de briquet bretons, Flaminaire, promeut la "fête des pères". Plus tard, en 1987, une marque de café lance la "fête des grand-mères"...
Bon, sur ce, je retourne à mon collier de nouilles.
Pascal Riché
Faï Tirà Peyroulienne
Nombre de messages : 16511 Date d'inscription : 07/10/2008