Kiki Peyroulienne
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| Sujet: «Renaud, mon poto, je te fais une bafouille» Sam 09 Avr 2016, 07:57 | |
| «Renaud, mon poto, je te fais une bafouille»
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LETTRE OUVERTE — Renaud, j’aurais aimé te voir pour discuter de ce disque. Des trente ans de ce putain de camion, du Paris du mois de janvier et du temps qui passe.
Par Caroline Piccinin Image: Yann Orhan «Renaud» Sortie aujourd’hui. Distr. Warner Music Discuter des mots que tu canardes pour panser tes maux et cracher le monde sans détour. De tes minots et de tout ce qui fait que t’es là, devant moi toujours debout. Les aléas de la vie en ont décidé autrement, je ne m’assoirai pas en face de toi, à La Closerie des Lilas. Alors mon poto, j’ai empoigné ton «Renaud», appuyé sur play, pris la main de celui dont je suis Morgane et j’ai ouvert grandes mes esgourdes. Première surprise sur «J’ai embrassé un flic». Dis-moi, ça change des coups de trique. Mais bon, qui ne change jamais d’avis un 11 janvier te jette le premier pavé, et ce même si on entend dans ta voix, qu’il te reste un soupçon d’hésitation. J’avoue, sur la table, il y a un Coca et une bière, j’espère que tu ne m’en veux pas d’hésiter moi aussi quel breuvage empoigner. Et ta voix, on va le dire direct: elle est devenue rocaille. Ta voix, c’est la trappe du galetas ruisselant de trésors d’enfance dont les gonds grondent quand on les déplie. Ta voix, c’est le lent roulis du chariot rempli de charbon qui remonte péniblement d’une puissante mine. Les inflexions d’un orage en préparation qui nous dit «hé les gars tout était trop calme, voici un avis de tempête», tintintiiin! Arrive ensuite «Les mots». Ce piano dans ma tronche. Où dans mon bide, c’est selon. Dis, c’est celui de «Mistral gagnant»? Dis, regarder la vie tant qu’y en a c’est la liberté au bout du crayon? Ouais, parce que quand il est bien taillé, ça ouvre ces nouveaux horizons. Toi, tu l’as toujours empoignée au corps, cette liberté, de ta ballade nord-irlandaise à tes coups de gueule contre Libé, et malgré tous ces «trous du cul» qui t’ont cru disparu, t’es «Toujours debout». Pardon, là, je bois une gorgée de bière, cette instru elle passe pas, mais on va pas en faire une affaire… Dans «Héloïse», tu racontes à ta petite-fille que l’amour ne s’amenuise pas, mais c’est un peu plus loin sur «Petit bonhomme» que, sans déc’, je défaille. J’y entends une version 2.0 de «Chanson pour Pierrot» et c’est le tourbillon émotionnel. Tout y est. Toi, ta musicalité, la douceur de l’écorché et ces mots si périlleusement évidents. Ton petit Malone, il va falloir faire sacrément gaffe à ce qu’il ne crâne pas trop à la récré… Parce qu’avec une déclaration comme ça, y’a de quoi prendre un cavaillon de la taille de l’Hexagone. Et pendant ce temps en Corse, ne voilà pas que t’as passé une «Nuit en taule»? Un titre qui te ressemble furieusement. Un truc toutefois: rouler en scooter? Sérieux Renaud… tu serais mieux dans la Cadillac Eldorado de «Mulholland Drive». Avec «Hyper Cacher» tu nous racontes, le temps d’un poème, l’enfer en face comme un requiem sur un air d’accordéon. Je crois que Frédéric Dard disait de toi que tu fais le boulot de Verlaine avec des mots de bistrot, j’y ajouterai – sans prétendre au talent du papa de «San-Antonio» – que tu fais aussi le boulot d’un Mozart avec les tripes du peuple. Je passerai en vitesse sur «Mon anniversaire», on est d’accord, on s’en passerait, les gâteaux, les flonflons, le même truc chaque année, mais avec des poches sous les yeux en plus. Par contre, je ne me passerai pas de «La vie est moche et c’est trop court». Merde, même si t’en dis que c’est une petite chanson désabusée et que la vie est vraiment dégueulasse, je la passe et la repasse. Un ange passe. Des anges passent, Coluche et Brassens sur ta voix écorchée, comme un Johnny Cash qui chante ses blessures. Ce rugissement caverneux de ce vieux lion qui se planquait dans la savane, non mais regarde ta tronche, t’es beau moussaillon. Merci mon poto. J’allume ma 9ème clope à ta sobriété alors que le petit «Dylan» n’avait pas fumé que des Gitanes. Voilà qu’une autre minette arrive, cette «Petite fille slave» qui déambule sur ces trottoirs blêmes comme les HLM. Et on termine sur «Ta batterie» que Grand Corps Malade t’a commandée comme pour forcer le phénix à s’enflammer et à renaître. J’écrase mon mégot. Mon mec et moi, on chiale presque, c’est malin… Merde Renaud, nous, on ne croit pas en ce retour, simplement parce que t’as toujours été là. Merci pour ça. Merci pour ce «Renaud», et de toute façon mon poto, de la place Rouge jusqu’à la rue Pierre-Charron, y’aura toujours des charognards pour venir faire chier les Pierrot, les Cosette et les Slimane du monde entier.(Le Matin) | |
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